Patrick Timsit est à l’affiche d’Une Chanson pour ma Mère, première comédie de Joël Franka. Un film tendre et généreux dans lequel comme toujours Timsit rayonne sans en faire des tonnes.
Je passe mon temps pour ce blog à interroger les autres sur leurs goûts et finalement je parle très peu des miens. J’ai très peu d’idoles ou alors elles sont mortes depuis des lustres et peu susceptibles de lire mes posts. Maupassant, si tu m’entends…Patrick Timsit est mon humoriste préféré avec Dieudonné, époque Le divorce de Patrick qui est pour moi l’excellence du one-man-show. Aussi, quand on m’a proposé de l’interviewer, j’ai eu un peu peur. Je n’aime pas rencontrer mes idoles–le mot déjà me rebute-, je crains toujours la double déception. La leur face à mes questions, la mienne de découvrir des personnes qui ne sont pas conformes à l’audace, l’intelligence et la vivacite que recèle leur œuvre -Ou peut-être que je leur prête exagérément ? Quand on m’a annoncé l’heure du rv (17h45), j’étais embarrassée. Sachez-le, les comédiens en promo enchaînent interview sur interview parfois pendant douze heures. A 10h, ils sont à peine réveillés, à 14h ils sont affamés et après 17h, épuisés quand ce sont des hommes, carrément fanés s’il s’agit de femmes. Sans compter que moi qui me lève à 5h30 tous les jours, je décline sérieusement à l’heure du thé. C’est donc un peu perplexe que je me suis rendue il y a deux semaines dans une suite du Mandarin Oriental, rue Saint-Honoré à Paris, où le comédien m’attendait.
J’ai dit à Patrick Timsit combien j’aimais son travail et l’ai fait, évidemment, en présence de l’attachée de presse afin de respecter sa pudeur, ménager la mienne également et lever toute ambiguïté. Ah, je n’vous ai pas raconté ? Il y a quelques semaines, l’attachée de presse d’une grande star de l’humour m’a éconduite en ces termes : “Oui, oui vous avez rencontré X dans un café et il vous a proposé d’aller voir son spectacle, oui, bien sûr. Mademoiselle, si vous saviez le nombre de filles que X rencontre dans les cafés ! Ah lala ! Que vous soyez journaliste ne change rien à l’affaire ! Bien au contraire !” . Tout d’un coup ma demande était ramenée à celle d’une groupie star-fuckeuse et certainement hystérique. J’étais tellement choquée que j’ai poussé un cri d’effroi. Mais revenons à Timsit. Je suis ressortie de ce rv ravie parce que Timsit que j’avais croisé vingt ans plus tôt dans une émission de télé dont j’étais chroniqueuse n’a pas changé. Du moins, c’est ce que je veux croire. C’est là l’une des limites de l’adoration : on voudrait qu’à jamais nos idoles soient figées dans le moment et la vérité qui nous ont fait les aimer.
“IL N’Y A RIEN DE PLUS JOUISSIF QUE DE NE PAS JOUER”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. On vous a souvent vu au ciné et au théatre ces dernières années au point que je craignais de ne jamais vous revoir sur scène. Vous nous avez manqué, vous m’avez manqué en tant qu’humoriste de one-man et je l’avoue «Je n’ai pas eu de relation constructive, sérieuse, durable avec un autre comique»*.
PATRICK TIMSIT. Ah ça fait plaisir, ça commence bien !
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Je vous poserai quelques questions sur le film puis reviendrai à votre travail d’humoriste.
PATRICK TIMSIT. Pas de problème.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Parlez-nous d’Une chanson pour ma mère, premier film de Joël Franka.
PATRICK TIMSIT. C’est une comédie drôle, tendre et très humaine traitée de façon chorale. Chacun a sa partition et on joue tous en rythme comme dans un orchestre dont chacun serait un instrument. Comme nous étions tous heureux de la partition, on était toujours partants pour soutenir le solo de l’autre. C’est une histoire touchante sans ce fameux décalage très à la mode que la plupart des comédies tentent de cultiver. Ce mot-là ne convient pas à celle-ci. Ce n’est pas décalé pour être décalé. C’est plutôt un comique de situation qui ne s’appuie ni sur des vannes ni sur des gags.
“TANT QU’ON SAIT CE QU’ON RACONTE, ON EST BON”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous êtes très sobre dans le rôle de ce beau-frère qui est souvent drôle malgré lui et assez touchant finalement. Comment l’avez-vous travaillé ?
PATRICK TIMSIT. Je ne cherche jamais à jouer comique ou jouer émouvant, je cherche à jouer des situations à vivre. Quand on a lu le scénario à un moment on sait que c’est à vous de faire rire. Quand on veut faire rire il faut être au plus fidèle de ce que vous avez lu et non chercher le gag. Moi, je n’ai jamais été effrayé par l’idée de me mettre au service de l’histoire. Cela correspond à l’idée de ne pas fabriquer, de n’être que dans les situations, dans une vérité humaine, au service de l’histoire. Il n’y a rien de plus jouissif que de ne pas jouer.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. On sent une belle complicité entre vous et Dave, un grand et beau débutant…
PATRICK TIMSIT. Confirmé ou débutant ne signifie pas grand chose. Tant que l’on est juste dans le sentiment et dans la situation et qu’on sait ce qu’on raconte, on est bon. J’avais approché Dave à l’époque de Quasimodo D’El Paris (Ndlr : 1ere réalisation de Timsit, en 1999) pour lui confier le rôle d’un chanteur un peu ringard. Au fil des lectures et des rencontres, j’ai découvert quelqu’un de formidable. Le travail de préparation était excellent mais je n’ai pas voulu qu’on pense que je me moquais de lui. Dave est un homme qui a énormément de recul, aucun cynisme ni aigreur. Il a le sens de l’observation et relate les choses avec drôlerie.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Certains rôles révèlent parfois quelque chose d’un comédien. Est-ce le cas pour vous avec ce film ?
PATRICK TIMSIT. Joël Franka est parvenu à casser ma pudeur en me confiant ce rôle d’affectif maladroit qui est à la fois dans la tendresse et la catastrophe. Joël a fait un film universel qui émeut parce que chacun s’y retrouve et s’y reconnaît. Cette famille ramène chacun de nous à son histoire personnelle. Une chanson pour ma mère est un film qui donne envie de s’occuper des siens.
“JE SUIS DRÔLE QUAND ON ME LE DIT”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Quand vous êtes revenu avec Le One-man-stand-up-show, en 2008, j’étais vraiment heureuse que vous rompiez ce silence. Pourquoi avoir attendu 13 ans ?
PATRICK TIMSIT. Y avait p’t’être de la trouille aussi ! Tu as envie de remonter sur scène et puis tu te dis que jamais tu n’auras le courage. Tu te demandes pourquoi courir ce risque alors que ton chemin peut continuer dans le cinéma, dans le confort. Tu te dis cela et en même temps, une fois face au public, tu constates que cette envie et ce besoin de scène n’ont jamais disparu, que c’est essentiel et qu’il n’y a plus du tout de trouille. La trouille existe jusqu’à qu’on ait dit oui.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. A quel moment de votre vie vous êtes-vous aperçu que vous étiez drôle ?
PATRICK TIMSIT. Ben, quand on me le disait. Quand j’entendais les gens rire, en fait. Finalement, je ne me regarde pas tellement vivre donc je ne me dis pas «Je suis drôle». Et puis on me dit aussi : «Tu es sinistre, invivable. C’est impossible de vivre avec toi ! ». Alors je suis drole quand on me le dit. Je m’en rends compte et je veux bien les croire.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Il y a eu un moment de déterminant dans votre chemin vers l’humour ?
PATRICK TIMSIT. Pour être plus concret, c’est pendant l’enfance que tout cela s’est manifesté lors de rendez-vous familiaux. Mes parents organisaient des réunions de famille, j’aimais bien ça. En même temps, j’étais assez timide dans la vie et j’avais beaucoup de mal à m’imposer. Je suis persuadé que c’est dans toutes nos frustrations qu’on va chercher le rire, c’est l’expression de nos colères, une forme de névrose que l’on doit maîtriser. Je n’ai jamais eu l’idée d’être comédien. En tout cas, je ne le savais pas. Quand j’ai fait du théâtre, je ne voulais pas faire rire et je ne me voyais pas monter sur scène seul.
“ETRE SEUL ET FAIRE RIRE, JE TROUVAIS ÇA PRESQUE VULGAIRE”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Parce que votre timidité vous en empêchaît ?
PATRICK TIMSIT. Je trouvais ça presque vulgaire, je trouvais ça grossier. Je me disais : «Le vrai comédien, c’est pas ça ! Un comédien ça apprend des rôles et puis un jour on joue». Je voulais exercer ce métier en tant que comédien, avoir une loge, enfiler des costumes. Et puis, comme je l’ai déjà raconté, je promenais ma chienne au Bois de Boulogne, je rencontre un type qui avait un atelier-théâtre et m’a invité à le rejoindre. J’ai 23 ans à l’époque, je ne veux pas y aller et puis un soir, j’y suis allé. J’ai fait deux impros comme ça et le soir-même j’entends les gens rire et je me suis dit : «Je vais essayer». Voilà comment ça a commencé.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Et vous écriviez déjà à l’époque ?
PATRICK TIMSIT. Non. J’avais fait des impros et, de temps en temps, j’avais des p’tites notes sur des papiers pour les cours de théâtre mais à chaque fois que j’essayais de proposer quelque chose on me disait : «Non, essaie plutôt ceci». J’essaie Figaro, Arlequin, Sganarelle…ça n’allait jamais. Alors on m’a dit : «Essaie d’écrire, j’ai pas de solution !». C’était assez aimable. Le mec me disait : «J’sais pas, avec toi j’m’en sors pas. J’crois que ta personnalité ne m’intéresse pas tellement, finalement…Ecris !». Et j’ai demandé : «Mais alors, on peut travailler ?». Et il m’a répondu : «Non».
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Ç’a été une douleur au départ de ne pas correspondre à ce que vous vouliez interpréter et de ne pas être estimé par cette personne qui vous regarde ?
PATRICK TIMSIT. Ça m’avait carrément découragé. A un moment, j’avais carrément arrêté. Je ne lui en veux pas…Après, je rentre dans cet atelier-théâtre par hasard, j’ai fait ces deux impros et je me suis dit que c’était intéressant d’entendre les autres rire en faisant ce travail-là. Je pensais en même temps aux gens qui s’ennuient quand vous jouez Périclès ou Shakespeare pendant des heures. Ce n’est pas que c’est chiant, c’est la façon dont c’est monté. Avec nos moyens, on avait 15-20 personnes, ça durait trois-quatre heures dans le théâtre… A ce stade, les spectateurs sont otages, quoi ! Et je me suis dit : «Je vais faire un one-man-show».
“TU N’ES PAS DRÔLE, TU ES RIDICULE !”
LEBLOGFEMMEQUIRIT. L’accueil du public est-il à ce moment-là plus conforme à vos attentes ?
PATRICK TIMSIT. J’avais fait un spectacle seul et je me suis pris un bide colossal, énorme. C’est mon cauchemar! Oui, je fais encore des cauchemars. Devoir remplir des salles de 100 personnes, même éveillé c’est un cauchemar. On avait commencé à 10h et terminé à minuit et à contre-temps. On se demandait mais c’est quoi cette connerie ? Vous savez, c’était la fameuse phrase du Schpountz : «Tu n’es pas drôle, tu es ridicule!». J’en ai chialé toute la nuit. Je ne voulais pas remonter sur scène malgré le soutien de Jean-Michel Noirey. J’étais écrabouillé de la veille. J’ai recommencé en utilisant tout cela, c’est-à-dire tout ce qu’il y avait déjà sur scène et tout ce qui était hors scène et ça a fait rire. Je me suis dit ça vaut le coup.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. De quelle façon avez-vous progressé et continuez-vous encore de progresser ?
PATRICK TIMSIT. En gagnant en simplicité. Mon spectacle est réussi quand je vois dans les yeux du spectateur évidemment de la joie; mais aussi quand ils se disent : «Ce qu’il fait, je le fais !». Ce n’est pas une performance sportive qu’on fait. Je suis ravi qu’on se dise et qu’on voie que c’était tellement facile et qu’il n’y a pas eu d’effort. C’est tout ce travail qui finalement fait qu’on arrive par instant à se détacher de la peur récurrente de ne pas plaire.
“ÇA N’AMÈNE RIEN POUR MOI D’AVOIR LE TRAC SUR SCÈNE”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Quels sentiments vous animent ou peut-être vous paralysent avant et pendant le spectacle ?
PATRICK TIMSIT. Le trac survient avant, pas quand je monte sur scène. Si on répète encore et encore c’est pour éliminer cette peur. Si je devais m’adresser à mon fils, je lui dirais : «Mon fils chéri, c’est le moment le plus important, le plus grave de ta vie…Démerde-toi comme tu veux mais malheureusement, si tu n’es pas décontracté tu ne pourras pas faire et proposer au public ce que tu avais prévu». C’est forcément nuisible de ne pas avoir les bonnes conditions pour faire ce que vous aviez prévu mais si vous ne faites pas ce que vous avez prévu, comment pouvez-vous savoir si c’était bon ou pas ? Vous aurez toujours le doute. Ça n’amène rien pour moi d’avoir le trac sur scène. Je l’ai là maintenant parce que je vais écrire. Pendant l’écriture, je vais me régaler mais j’aurai encore le trac parce que je vais relire et qu’il faudra faire des coupes, qu’il faudra rerythmer ça, que tout ça n’est pas si drôle que ce que je pensais et qu’il va falloir que je réécrive, réécrive et réécrive. Et tout ça va m’aider à arriver sur scène en me disant : «Waouh… voilà, ça je le signe, je le revendique !». Je vais progresser, ça va être de mieux en mieux. Ça va parce que je ne veux pas refaire la même chose. C’est une partition, il y a des notes, un rythme à respecter et vous ne pouvez vous en détacher que si vous les maîtrisez parfaitement.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Ce que vous maîtrisez parfaitement c’est la façon de faire passer votre colère. Vos spectacles l’expriment sans agressivité mais tout en sourires et sans stigmatiser ni donner de leçon.
PATRICK TIMSIT. Oui parce que la colère, c’est le moteur. On ne cesse de me dire que je suis tout le temps en colère ! Ce qui génère chez moi la colère ? Je n’ai pas d’exemples précis mais l’impudeur me dérange au point de me mettre en colère. Je déteste, par exemple, cette expression «Soyons décomplexés»…ça veut dire quoi ? Qu’il ne faut pas avoir peur de montrer qu’on a de l’argent ? Ça a donné le sketch que vous connaissez. Donc voilà, c’est l’une des choses qui me font réagir vivement et qui font que mon entourage me rappelle que je suis souvent en colère.
“OUI, L’ÉCRITURE EST DOULOUREUSE”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous êtes tellement à l’aise sur scène qu’on peut supposer que la douleur ou du moins la difficulté survient à un autre moment. Peut-être celui de l’écriture et toute cette période en amont du show?
PATRICK TIMSIT. Oui, c’est douloureux. L’écriture est la partie douloureuse et le plus gros de votre travail va être de retrouver cette énergie. Vous l’avez fait la première fois et ça a fait rire. Et puis après vous vous rendez compte que sur un spectacle d’1h40, si vous ne mettez pas le texte dans tel ordre ça ne fait pas rire… C’est comme les coureurs, une fois qu’ils ont accédé à l’euphorie. Parler de douleur peut sembler exagéré en comparaison d’autres choses autrement plus difficiles à entreprendre mais on n’est pas non plus à l’abri d’être prisonnier de nos émotions.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Je vous ai vu plusieurs fois et chaque fois est une première fois. Comment faites-vous pour alimenter ce feu et vous renouveler chaque soir sans jamais livrer le même combat ?
PATRICK TIMSIT. Je pense qu’il faudra toujours que j’aie une petite nouvelle du soir, la petite phrase nouvelle qui chaque soir vous donne envie de faire tout le spectacle. Le p’tit truc qui s’est passé dans la journée et pour lequel vous avez réfléchi, les choses que vous piochez et qui ont fonctionné. Le spectacle que vous avez aimé, Le One man Stand-up show, était fait avec beaucoup d’insouciance justement pour éliminer la douleur. Je m’étais dit : «Ça fait treize ans, je vais prendre deux fois L’Olympia». J’avais pas fait L’Olympia, je voulais absolument L’Olympia parce que je me disais qu’avec le prochain spectacle je serais plus fort. Et j’ai joué trois ans ! Mais à force de changer de petite phrase en petite phrase, de faire par-ci vingt minutes sur ce que je rajoutais, j’arrivais à tout autre chose. Parce qu’on ne joue pas de la même façon à L’Olympia et à La Gaîté-Montparnasse. Je l’ai capté le deuxième soir de L’Olympia et ce n’est pas du tout le même spectacle trois ans plus tard. Ce n’est pas quarante ou cinquante minutes qui ont été modifiées, le ton a changé. Que ce soit Décomplexé, L’Adoption… je suis arrivé à une telle maîtrise que ce spectacle m’a ravi. C’était incroyable ! J’ai progressé de plus en plus. Parfois je me disais que j’étais tellement sur la phrase que j’étais en danger. Maintenant, je peux arriver en disant : «Ecoutez, ça n’peut pas mal se passer parce que si vous n’aimez pas le sujet, j’en ai un autre». J’en ai tellement que je peux passer à autre chose. «Vous aimez la magie ?» et hop, je peux sauter du coq à l’âne. J’étais content d’être à L’Olympia.
“C’EST FORMIDABLE DE DONNER CE SENTIMENT D’ÊTRE À L’AISE”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Le bonheur sur scène décuple l’aisance ?
PATRICK TIMSIT. Oui et c’est formidable de donner ce sentiment d’être à l’aise parce que je pense qu’il n’y a pas mieux que la glisse. J’imagine le mec en ski, ce sentiment d’être tellement à l’aise. Que ce soit le tennis ou le ski on a envie de prendre une raquette et de taper ou chausser des skis quand on les voit pratiquer leur discipline. C’est tellement facile quand on les voit et c’est cette légèreté-là qui vous touche plus que la compétition elle-même.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. On parle de légèreté, d’aisance. Le métier est-il entré à ce point que vous ne redoutiez plus rien ?
PATRICK TIMSIT. Ah ça, c’est impossible ! Je vous parlais de mes cauchemars tout à l’heure. On n’est pas forcément plus sûr de soi puisque qu’on est au courant que c’est plus compliqué, plus dur et jamais gagné. On est d’autant moins sûr de soi si l’on sait ça. Le privilège de l’âge – que vous avez la finesse d’appeler «le métier»- c’est qu’on gère mieux ses angoisses. J’arrive mieux à me raisonner. Il y a ce travail qu’on fait sur soi en s’interrogeant tout simplement ou en continuant à être curieux. La lecture du philosophe Jollien m’a beaucoup fait avancer. Le Métier d’homme que j’ai beaucoup offert ou L’abandon (Ndlr : Petit traité de l’abandon aux Editions du seuil) sont des livres qui m’ont accompagné, qui m’accompagnent toujours.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Qu’avez-vous retenu d’essentiel ?
PATRICK TIMSIT. Cette interrogation autour de l’abandon pas au sens du renoncement mais plutôt du lâcher-prise m’intéresse. Il y a des choses qu’on peut changer et auxquelles on peut s’atteler avec énergie et joie et d’autres non. Il faut avoir le courage d’accepter ce qu’on ne peut pas changer, se donner la force de continuer à se dépasser, ne pas relâcher le combat, avoir une vie digne.
“NE PAS IMPROVISER VEUT DIRE QUE VOUS N’ÊTES PAS DANS VOTRE CATÉGORIE”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vos premiers rires ont été déclenchés par de l’impro, quelle place accordez-vous à cette figure libre ?
PATRICK TIMSIT. Je nimprovisais que quand c’était nécessaire. Je n’aime pas me demander en amont quelle impro il y aura ce soir. En revanche, quand on pratique cet exercice, ne pas improviser veut dire que vous n’êtes pas dans votre catégorie. Si on le fait on sait qu’on avance par association d’idées, d’images et que si on tient le fil on peut retomber sur ses pattes. Eviter de faire de l’impro c’est avoir à sa disposition des touches qu’on n’utilise pas alors qu’elles sont nécessaires à certains moments.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Lesquels vous paraissent les plus propices à l’impro ?
PATRICK TIMSIT. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’on improvisera à la trente-sixième minute, ce serait figer les choses. On s’adresse à des gens. C’est du spectacle vivant. Faut pas s’étonner que les gens vous répondent ! On n’va pas être gêné si tout d’un coup le public vous parle. On lui parle, il faut bien qu’il parle ! De la scène vous posez des questions au public et il y en a qui s’étonnent qu’il y ait des réponses dans la salle ! Et si le mec est drôle, si la nana est forte, si c’est un enfant qui dit qu’il va faire pipi…vous voyez, vous adaptez. Si vous continuez comme avant, il y aura un truc qui n’ira pas puisque vous parlez aux gens. Je pense que si on est inspiré (Ndlr : Timsit et ses co-auteurs Bruno Gaccio et Jean-François Hallin) pour le prochain spectacle, j’arrive, je commence à parler et on ne se rend pas compte que le spectacle a déjà commencé et il s’arrête quand je sors de scène. Et là, on se dit : «Merde alors, c’était ça, ah oui !».
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous arrive-t-il d’être surpris par le public ?
PATRICK TIMSIT. Parfois quand vous riez, le public se demande pourquoi vous riez. Le public est très parano. Il se dit : «Il se fout de ma gueule». Quand mille personnes vous regardent en se disant : «Il se fout de ma gueule», alors là, vous dites «au revoir» ! Il n’y a plus de parachute vous êtes mort ! Ou alors vous leur dites. Il faut bien qu’ils comprennent.
“PLUTÔT QUE DE FAIRE UN SKETCH POUR LES FEMMES, J’EN FAIS UN CONTRE LES HOMMES”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous vous adressez au blogfemmequirit, il y a donc inévitablement une questions sur elles. Ou du moins sur la vôtre que vous raillez sur scène.
PATRICK TIMSIT. Bien évidemment, j’aime avoir le mauvais rôle. Plutôt que de faire un sketch pour les femmes je vais faire un sketch contre les hommes. Pour être contre les hommes, je ne vais pas vous dire les hommes sont idiots mais je vais avoir des paroles d’idiot. Ma femme est enceinte. Un week-end sur deux j’ai bien envie de vous dire que c’est l’homme qui souffre. Eh bien non, j’avais envie de parler de l’homme qui se pose tout le temps en victime alors que quand la femme élève seule l’enfant, on a beau lui en vouloir de ne pas le voir quand on veut, c’est compliqué. C’est compliqué pour une femme. Maintenant, ce n’est pas pour ça qu’on doit plus souffrir ou se faire agresser mais de là à se victimiser… Je disais :«Elle fait tout le temps la gueule dès le matin au café, elle fait la gueule ! Je rentre à 6h du matin, elle fait la gueule. Elle m’dit j’ai pas dormi de la nuit mais moi non plus j’ai pas dormi de la nuit. C’est pas pour ça que j’ais la gueule !» . Bon là, je vous le fais parce que ça me remet le pied à l’étrier. Je vais jouer à Tignes dans un mois et je n’ai pas revu le texte depuis quatre ans !
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Je suis toujours surprise de constater que certains spectateurs confondent le message et le messager. Pour eux, Gaspard Proust et Bigard sont dans la vie comme ils sont sur scène. C’est fatalement ce qui arrive quand on parle à travers sa propre voix ?
PATRICK TIMSIT. Je ne fais pas de personnages au sens où l’on en trouve dans les sketches. Je parle à la première personne mais les gens sentent bien les inflexions de ma voix qui font que c’est une voix proche de la mienne sans être complètement celle que j’utilise là avec vous. Je joue un gros macho, un con mais quel plaisir de pouvoir jouer ça ! Et je ne vais pas m’amuser à dire : «Attention, ce type-là, c’est pas moi !». Les gens comprennent dès lors qu’ils commencent par faire un «ohohhh » mi-choqué mi-surpris et que ça finit en «Ahhh » qui peut être un soulagement ou l’éclat de rire. A nous de dominer nos personnages. On n’est pas à l’abri d’être jugés et d’être jugement tout court. Peut-être que ces personnages on ne les domine pas en entier, mais le fait de se poser la question aide à trouver la bonne voix.
“CE QUE REDOUANNE HARJANE ÉCRIT EST FORMIDABLE !”.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Qu’est-ce qui fait rire Patrick Timsit ?
PATRICK TIMSIT. Moi, ce qui me fait rire ce sont les situations et tout ce qu’il y a derrière.
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Quels humoristes de la nouvelle génération retiennent votre attention ?
PATRICK TIMSIT. Maintenant ce qui est drôle c’est que si je vous dis Jamel, Gad Elmaleh…vous me direz : «Gad, Jamel, c’est plus tout à fait la nouvelle génération, ça fait des années qu’ils existent ! ». Je vais leur dire à Jamel et Gad, ça leur fera les pieds ! Ils vont se rendre compte que c’est plus la nouvelle génération. Hein, c’est marrant de citer Jamel et de se dire que j’ai l’impression que je suis vieillot, que je suis has been et que je ne m’intéresse pas à ce qui se fait de nouveau. Alors quels sont ceux qui me font rire ? Je sais pas…
LEBLOGFEMMEQUIRIT. Voulez-vous que je vous cite des noms ?
PATRICK TIMSIT. Euh, non. Si je sais, bien sûr que je sais ! Gaspard Proust. Ce que fait ce type est fin, intelligent, osé. Dans un autre genre Redouanne Harjane. J’aime son esprit vif contrebalancé par ce côté mou comme ça. Un esprit vif dans un corps mou, un peu nonchalant, on aurait tendance à penser que, voilà, tout ça fume du pétard et tout ça(rires). C’est formidable ce qu’il écrit et interprète. Il fait une bonne observation de la société, c’est fin, c’est bien, ça me plaît beaucoup.
*Cette citation est extraite du One-man-stand-up-show (Edition Studio Canal) au moment où, retrouvant son public, Timsit lui demande s’il n’a pas été tenté d’aller voir ailleurs, rien qu’un soir, vite fait…
Patrick Timsit sera cet été au Festival d’Avignon pour jouer Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor avec Thierry Lhermitte, au Théâtre du Chêne Noir.
UNE CHANSON POUR MA MÈRE de Joël Franka avec Patrick Timsit, Sylvie Testud, Dave, Fabrizio Rongione, Guy Lecluyse, Sam Louwyck, Mathilde Gofart, Michèle Moretti et Renaud Rutten.
Résumé : Quelque part dans les Ardennes…Parce qu’ils adorent leur maman, gravement malade, les membres de cette famille décomposée décident de lui offrir le plus incroyable des cadeaux d’adieu: une rencontre avec Dave, le chanteur, son idole, en personne ! Mais ce projet extraordinaire est peut-être un peu trop ambitieux pour cette famille ordinaire qui croule sous les non-dits et le silence depuis si longtemps. Leur amour pour leur mère et la force des liens familiaux retrouvée leur donneront-ils le courage et la folie nécessaires pour atteindre leur but ? Unis autour de leur projet, leur plan va pourtant déraper et prendre une tournure inattendue quand ils vont finir par …kidnapper Dave, leur victime d’un soir ! (Dossier de presse du film)