“Adieu, je reste !”, la pièce d’Isabelle Mergault avec Chantal Ladesou, on y va ou pas ?

Adieu, je reste ! fait salle comble au Théâtre des Variétés depuis son démarrage le 11 septembre dernier. Programmée jusqu’au 31 octobre, on devine qu’elle y restera plus longtemps tellement elle est applaudie.


L’argument : Gigi (Isabelle Mergault) est engagée par son amant pour tuer la femme (Chantal Ladesou) de ce dernier. Lorsque Gigi arrive dans l’appartement de Barbara, elle se retrouve nez à nez avec cette femme en détresse qu’elle n’ose assassiner et préfère lui venir en aide. Les deux femmes découvriront peu à peu bien des choses qu’elles ignoraient de cet homme dont elles croyaient toutes les deux être aimées sincèrement…(résumé proposé par le Théâtre des Variétés).

L’ÉVÉNEMENT ATTENDU DE LA RENTRÉE ?

Je n’avais pas prévu d’écrire un post sur Adieu, je reste !, pièce d’Isabelle Mergault dont je m’étais dit qu’elle “marcherait toute seule” et n’aurait pas besoin de presse. C’est vrai, ça marche. Un bon nombre de réservations ayant été fait avant le démarrage de la pièce et, si l’on en croit Isabelle Mergault, avant la finalisation même de son écriture. La salle du Théâtre des Variétés se remplit davantage chaque soir et le spectacle est à la hauteur de l’attente du public.  Beaucoup de rires, des tonnerres d’applaudissements, des commentaires élogieux sur les deux têtes d’affiche dont les silhouettes fuselées n’échappent pas au regard intéressé des hommes et envieux des femmes. C’est d’ailleurs en voyant les jambes d’Isabelle Mergault que j’ai compris pourquoi Sharon Stone affirme sur un ton catégorique : “Je ne pourrais pas être amie avec une femme qui n’a pas de cellulite”.

Je n’avais pas prévu de post jusqu’à ce que je lise dimanche 30 septembre un article du Journal du Dimanche intitulé Théâtre, formidable lever de rideau”. Jean-Luc Bertet, son auteur, y présentait sa sélection des pièces à voir en marge, précisait-il, des “têtes d’affiches et valeurs sûres”. Exit donc le duo Ladesou/Mergault au profit de Dom Juan, Volpone… et Sister Act installé sur scène depuis le 20 septembre, et totalise déjà 70 000 billets vendus. Dommage car Isabelle Mergault signe une pièce joyeuse, drôle et généreuse. Un vrai spectacle grand public. Sans doute le tandem Mergault/Ladesou paie-t-il le prix de sa popularité (les comédiennes sont ou ont été membres des Grosses Têtes) et de ses succès permanents. Seule ou en troupe, Chantal Ladesou remplit les salles et provoque des rires en chaîne. Sur scène comme comédienne ou au cinéma en tant que réalisatrice, Isabelle Mergault rassemble également pas mal de monde.

CE DUO-LÀ FONCTIONNE À MERVEILLE.

L’une est blonde, l’autre brune. L’une toute en sourire, l’autre en sous-rire..impossible même si on ne les connaît pas de les confondre sur les colonnes Morris  annonçant dès le début de l’été la rencontre de  Chantal Ladesou et Isabelle Mergault, deux stars de la scène. L’une et l’autre dos à dos annonçant un match qui allait se donner sur le ring du Théâtre des Variétés. En découvrant cette affiche, j’ai regretté qu’en cette ère de bavardage intense on n’ait pas encore inventé le poster parlant qui livrerait les voix immédiatement identifiables des deux comédiennes. Car c’est bien sur ce terrain que j’attendais ces deux-là. Le chuintement légendaire d’Isabelle Mergault, dont on ne peut plus penser depuis le temps qu’il est feint, croisant la voix rauque et nasillarde au débit de mitraillette de Chantal Ladesou. La première enferrée dans le rôle paradoxal de fausse naïve et vraie gourdiflette, la seconde cultivant un côté qu’elle qualifie volontiers de “glamour camionneur”. A l’une comme à l’autre, on prédisait une entente impossible. Que leurs egos ne cohabiteraient pas harmonieusement. Bref, elles couraient au fiasco. Je ne sais pas ce qu’il en est dans les coulisses mais sur scène ce duo-là fonctionne à merveille.

MERGAULT A DONNÉ LA MEILLEURE PARTITION À LADESOU.

Isabelle Mergault a taillé un joli rôle à Chantal Ladesou, comédienne qu’elle admire de toute évidence au point de lui laisser souvent la meilleure partition. La sienne est bonne mais j’ai eu le sentiment que l’auteur, dont j’apprécie la qualité des dialogues, s’est un peu effacée au moment de l’écriture de son rôle pour donner absolument tout à sa partenaire. Est-ce par pudeur, absolu respect, timidité ? C’est une question que j’aimerais poser à celle dont je suis avec intérêt le travail de depuis qu’elle a signé le scénario et les dialogues de Meilleur espoir féminin, film réalisé par Gérard Jugnot et qui a révélé Bérénice Bejo. J’avais beaucoup aimé son premier film Je vous trouve très beau, moins aimé Enfin veuve et du coup, j’avais boudé Donnant donnant.

Si les lignes de  Chantal Ladesou sont plus percutantes que celles qu’Isabelle Mergault s’est réservées, les deux comédiennes déploient dans le jeu la même belle énergie qu’on apprécie chez elles. Mergault, très sportive à la ville, ne se prive pas de sauter, rouler et d’inventer d’improbables cascades. Bête se scène, Ladesou rattrape le moindre faux pas (ce soir-là, elle s’est pris les pieds dans son très long déshabillé) en l’intégrant à son texte. Leur bonne humeur est contagieuse et le rythme ne mollit jamais. Ça pourrait être épuisant et asphyxiant d’entendre et voir remuer deux tornades. J’ai vu dernièrement  une humoriste dont le jeu excessif m’a vidée littéralement au point que j’avais l’impression d’avoir fait Bercy avec Madonna !  Aucun risque de verser dans cet excès-là avec Adieu, je reste qui parvient à alterner les moments de folie avec des plages plus calmes. C’est généreux, je le répète, plein de rebondissements qui font qu’on ne s’ennuie  jamais.

LA PIÈCE NE SE RÉSUME PAS À QUELQUES BONS MOTS.

A la sortie, le public s’amusait à répéter des bribes de dialogues : “Barbara, l’argent ne m’intéresse pas/ Je sais, t’as jamais voulu en gagner!”. Ou encore  :”Tu poses ce téléphone et tu lèves les bras en l’air/ J’peux pas lever les bras, j’suis pas épilée !”. Ce sont de bons mots auxquels il ne faudrait pas réduire la pièce dont la portée est plus engagée qu’il n’y paraît. Les femmes décident de tout et sont finalement toutes puissantes. Personnellement, j’ai beaucoup ri en entendant la lettre que Barbara-Chantal Ladesou rédige avant de se suicider. S’appuyant sur le dictionnaire des synonymes, l’auteur de best-sellers pond une missive absolument délirante. Ça m’a rappelé les auteurs paresseux (dont certains chanteurs de variétés ou rappeurs) qui abusent du dictionnaire de rimes pour commettre des textes indigents. J’ai moins aimé la réplique qui part d’une citation de Saint-Exupéry pour finir en levrette. Non que je sois bégueule mais je l’ai déjà entendue aux Grosses Têtes dans la bouche de Mabille, Peroni ou Perrot. Et peut-être dans ma propre tête car c’est une réflexion que se font toutes les femmes qui sont parfois lassées de ne jamais voir leur partenaire pendant l’acte. Je vous invite à écouter et peut-être découvrir l’hilarante chanson On ne m’aime que de dos (L’amour à l’envers)  de Giédré  qui  elle, maîtrise la rime parfaite.

ET LES HOMMES, ALORS ?

Déjà présent dans Sur un plateau la précédente pièce d‘Isabelle Mergault, le comédien Jean-Louis Barcelona que l’on verra bientôt dans La Croisière, nouvelle série de TF1 réalisée par Pascal Lahmani et dans une demi douzaine de films en 2013, est ahurissant de drôlerie. A la fois candide, un peu inquiétant, débordant d’amour et d’un désir mal canalisé…ce voisin pas ordinaire est mille rôles à la fois et investit la scène d’une façon bluffante. Dans le rôle du mari trompeur, Jean-Marie Lecoq (qu’on verra bientôt dans Vive la France, de Michael Youn) livre également un jeu habile qui réjouit le public. Alors oui, il faut aller voir Adieu, je reste ! Pour ces quatre comédiens qui donnent beaucoup et dont le plaisir à jouer ensemble contamine un public qui a plaisir à rire ensemble.

Adieu, je reste ! pièce d’ Isabelle Mergault avec la participation de Dave Cohen, avec Chantal Ladesou, Isabelle Mergault, Jean-Marie Lecoq et Jean-Louis Barcelona. Mise en scène : Alain Sachs.

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 17h et 20h et le dimanche à 16h30 au Théâtre des Variétés : 7, Boulevard Montmartre, 75002 Paris. Tél réservation: 01 42 33 09 92

 

Ce contenu a été publié dans Coups de cœur, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

7 réponses à “Adieu, je reste !”, la pièce d’Isabelle Mergault avec Chantal Ladesou, on y va ou pas ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

5 + trois =