Pierre Palmade: “Tous les humoristes comiques ne jouent pas et n’écrivent pas très subtilement”

Pierre Palmade décrivait à Laurent Ruquier, il y a quelques jours ce qui, selon lui, faisait la force ou la faiblesse de l’humour. Des propos qu’on devrait écouter plus souvent qu’on soit sur scène ou dans la salle.

Pierre Palmade (photo de son site)

C’est après avoir rencontré Rudy Milstein et Marie Lanchas  devant le Point-Virgule, la semaine dernière que j’ai eu envie de les voir jouer à l’Atelier de Théâtre populaire Pierre Palmade dont la dernière représentation aura lieu lundi 18 juin à 20h30 à la Gaîté. J’avais aimé le jeu de Rudy Milstein et celui d’Alexandra Chouraqui, Guillaume Clerice, Jean Gardeil et Benjamin Gauthier dans Les malheurs de Rudy (tous les mardis soir au Point-Virgule à 21h15), pièce que Rudy a écrite. Et j’ai adoré Marie Lanchas dans Le casting de Monique Tassin et  La conférence de presse pour le salon de la mort, deux sketches présentés dans le cadre du Trempoint au Point-Virgule, samedi dernier. Marie Lanchas est formidable et m’a vraiment donné envie de voir son show intégral qu’elle interprétera tous les mardis à 20h15 à compter du 3 juillet à La Comédie des Trois Bornes. Cette fille écrit et joue bien. Ça devrait être le minimum pour une comédienne, certes, mais elle est de celles qui parviennent à ériger ce minimum syndical en maximum artistique. 

Marie Lanchas

En consultant la liste des comédiens que Palmade a rassemblés autour de son projet je me suis rendu compte que certains m’avaient convaincue sans que je sache qu’ils étaient ses protégés. J’ai déjà dit ici tout le bien que je pensais de Constance Carrelet (actuellement dans On est tous portés sur la question au Mélo d’Amélie jusqu’au 8 septembre) et Noémie de Lattre (au Point-Virgule, les lundis à 21h15). Je connais également les sketches de Valentine Revel, directrice adjointe de la Comédie des Trois Bornes où elle joue avec Béatrice Facquer, The true women show. J’aurais aimé applaudir la dernière des “palmadiens et palmadiennes” lundi prochain à 20h30 à La Gaîté, mais ça m’est impossible. J’étais tellement impatiente de voir comment tous ces comédiens choisis après auditions appliquaient ou détournaient les conseils du professeur Palmade ! Je ne connais pas dans le détail ce que Palmade leur dit et comment il les oriente mais j’ai beaucoup apprécié l’échange qu’il a eu avec Laurent Ruquier, le 2 juin dernier sur le plateau de On n’est pas couchés, sur France 2. Invité avec le comédien Jean Leduc à promouvoir la pièce 13 à table qu’il a mise en scène (actuellement au Théâtre Saint-Georges) Palmade a donné son avis sur l’humour aujourd’hui, avec la finesse et l’esprit qui le caractérisent.

“Quand j’ai commencé c’était beaucoup plus marginal, l’humour n’était pas une industrie. Il n’y avait pas tous ces jeunes comiques qui arrivent tous les jours”.

Laurent Ruquier à Jean Leduc, comédien mis en scène par Pierre Palmade dans 13 à table au Théâtre Saint-Georges : «Vous voilà devenu, pardon Jean Leduc de dire cela, en quelque sorte la nouvelle reine du boulevard !

Jean Leduc. Je prends le titre avec plaisir, y a pire !

Laurent Ruquier. Celle que vous mettriez numéro 1, c’est Marthe Mercadier, Jacqueline Maillan, c’est Maria Pacôme ?

Jean Leduc. Je ne voudrais pas avoir de problème, mais ce serait Jacqueline Maillan, bien entendu.

Laurent Ruquier. Comme Pierre Palmade.

Jean Leduc. Oui, mais parce que c’est la reine ! Elle a été sublime dans Pouic Pouic. Dans tout ce qu’elle a pu faire au théâtre comme au cinéma, elle a été sublime!

Laurent Ruquier (à Pierre Palmade). Vous avez eu la chance de travailler avec Jacqueline Maillan, de la mettre en scène, d’écrire pour elle…

Pierre Palmade. Ah oui, ma carrière a commencé comme un rêve parce que c’est elle qui m’a donné envie de faire ce métier et il se trouve que j’arrive à Paris et, à peine je me fais connaître grâce aux co-écritures de Muriel Robin, des sketches de Muriel Robin, Maillan m’appelle pour me dire : «Il paraît que vous m’aimez bien, voyons nous !». Et j’avais 22 ans et elle m’a demandé d’écrire ce qui sera sa dernière pièce donc, c’est vrai que ma vie même a commencé un p’tit peu comme un rêve puisque j’en ai rêvé petit et c’est arrivé. Ce qui ne donne pas de très bonnes habitudes plus tard.

“On est à une ère un peu sauvage où les plus agressifs sont les plus montrés à la télé”.

Laurent Ruquier. Et ce que Jacqueline Maillan ou peut-être aussi Sylvie Joly ont fait pour vous, en fait, aujourd’hui,vous avez envie de le faire pour des jeunes ou des moins jeunes qui ont besoin d’une sorte de parrain pour se lancer dans ce métier…

Pierre Palmade. C’est peut-être pas conscient. Je ne le vis pas comme un passage de relais parce que je dois le faire, parce que aussi on me l’aurait fait…Non, ça vient aussi du constat que dans l’humour, qui est devenu une grande industrie depuis vingt ans…Moi, j’ai commencé c’était beaucoup plus marginal. C’était pas une industrie, y avait pas les DVD d’humour. Il n’y avait pas tous ces jeunes comiques qui arrivent tous les jours. Euh, tout ne me plaît pas et je trouve qu’il y a un jeu...tous les humoristes comiques ne jouent pas très subtilement, n’écrivent pas très subtilement et j’ai besoin de créer une oasis de comédiens qui jouent, sinon de l’humour, à mon goût, euh… et que j’ai besoin de les regrouper et de les protéger parce que souvent ces gens qui jouent finement ne sont pas les grandes gueules qui poussent les autres comme souvent certains chroniqueurs à la télé. C’est un peu l’ère de la grande gueule et j’avais besoin de protéger des gens.

Laurent Ruquier. Par exemple, quels sont les humoristes que vous n’aimez pas ? Quels noms ?

Pierre Palmade. Je ne dirai jamais ceux que je n’aime pas mais je ne pense pas que quelqu’un comme Villeret poussait tout le monde pour réussir. Alors, c’est ce que j’aime bien. Moi, j’aime bien quelqu’un qui arrive et on rit dans ce qu’il ne dit pas. J’aime bien l’humour du non-dit. J’aime bien les gens délicats et on est à une ère un peu sauvage où je trouve que les gens les plus agressifs sont les plus montrés à la télé.

Laurent Ruquier. Pas tous ! Mais regardez le succès de Gad Elmaleh, Dany Boon…

Pierre Palmade. Bien sûr, ça c’est des gens intemporels qui dès qu’ils font de la comédie ne sont pas sur l’actualité, moi j’aime bien l’humour quand je sais que dans dix ans, vingt ans, trente ans il sera encore drôle. J’aime pas trop l’humour temporel qui fait évidemment rire plus fort quand on est sur l’actualité, c’est un rire cathartique. J’aime bien quand je sais que ça va être…

 “J’ai toujours du mal avec l’humour qui tape sur des gens connus”.

Laurent Ruquier. Je ne vais pas défendre ma paroisse, je suis rangé des voitures comme on dit mais je n’suis plus sur scène depuis un moment…Y en a des tas qui font de l’actu, il y a de la place pour les deux.

Pierre Palmade. Bien sûr, avec l’âge on peut les tolérer.

Laurent Ruquier. On peut aimer, enfin je crois, Pierre Palmade Didier Porte et évidemment Guy Bedos et aussi, d’un autre côté, aimer Dany Boon, Gad Elmaleh et Pierre Palmade ! L’un n’empêche pas l’autre.

Pierre Palmade. Je trouve que c’est plus une prouesse de faire rire dans un non-dit, d’être sur le fil, de faire une ironie et que les gens rient à ce que finalement l’artiste ne dit pas, plutôt que de tâcler quelqu’un sur son physique, sur son lifting, sur… je ne sais pas, j’ai toujours du mal avec les…avec l’humour qui tape sur des gens connus.

Laurent Ruquier. Parce que certains vous ont blessé à partir du moment où vous avez été connu ?

Pierre Palmade. Non, sinon je crois que j’aurais comencé avant même peut-être d’être raillé. J’aurais commencé en faisant cet humour-là, mais déjà je préférais l’humour de situation. Je préfère faire rire en disant : «T’es sûre de la coiffure que t’as aujourd’hui ?», plutôt que : «Oh dis donc, quand j’ te vois coiffée comme ça tu me refais penser à Bernadette Chirac !». Voilà, je préfère faire rire avec la première ironie qu’avec la deuxième !

“Au sein de mon atelier, j’interdis les blagues sur l’actualité, j’interdis un surjeu”.

Laurent Ruquier. D’accord, pourquoi pas, on prend, non mais c’est votre droit, moi je pense qu’il y a de la place pour les deux.

Pierre Palmade. Oui, c’est vrai que je deviens un peu puriste, je défends une paroisse.

Laurent Ruquier. Vous n’allez pas devenir une sorte d’ayatollah de l’humour ?

Pierre Palmade. Au sein de mon atelier, si. Je leur interdis des blagues sur l’actualité, je leur interdis un surjeu. J’aime pas quand ça raccole un peu, quand le comédien nous signifie où c’est que c’est drôle. C’est au public de le comprendre, et voilà. Ça y est, je sais ce que je veux dire ! En tant que spectateur au théâtre, j’aime bien être considéré comme un voyeur et pas qu’on me prenne à partie et qu’on me demande de rire à tel endroit, que l’humoriste me signifie à son texte ou à son jeu là où c’est drôle. J’aime bien avoir le choix de pouvoir rire où je veux.

Laurent Ruquier. Alors ça c’est amusant parce que c’est vrai aussi que dans le boulevard, moi, je suis comme vous, j’ai une énorme admiration pour Pacôme, pour Maillan et pour Marthe Mercadier mais, justement, s’il y a bien des comédiennes qui savaient jouer très bien et très finement bien sûr, mais qui, quand même soulignaient les effets, c’est bien…

Pierre Palmade. Eh bien, non !

Laurent Ruquier. Oh, popop !

Pierre Palmade. Maillan ne surjoue pas ! Elle est dans la démesure, l’excès, elle est comme de Funès, c’est toujours sincère. Attention, il y a une démesure comme chez de Funès, Fernandel, Villeret où c’est, effectivement comme Jean (Ndlr : Jean Leduc), vous verrez quand vous le connaîtrez un peu plus, c’est outrancier, mais c’est toujours sincère, lui le voit comme ça.

Laurent Ruquier. Ah, quand même vous êtes d’accord avec ça ?

Pierre Palmade. On y croit ! Quelqu’un surjoue quand il fait : «Comment ?»… enfin, je ne sais pas mal jouer ! (Ndlr: rires et applaudissements du public). Dès que je parle un peu boutique, je trouve que le surjeu n’a rien à voir avec l’outrance.

Laurent Ruquier. Pardon, je viens de voir il y a huit jours et je trouve ça formidable, Michel Galabru dans La femme du boulanger (Ndlr: jusqu’au 1er juillet au Théâtre Hébertot), on est bien obligé de dire que Galabru …

Pierre Palmade. Il est sincère quand il le fait !

Laurent Ruquier. Il en fait des caisses ! Pardon, de vous dire, Pierre, il en fait des caisses ! C’est ça qu’on aime et les gens y vont aussi pour ça, vous le savez bien ! Vous n’allez pas me dire qu’il n’en fait pas des caisses !

Pierre Palmade. On croit au moment où il joue que c’est sa façon d’être. Il y a des gens, on voit que c’est des faux,eux, ils jouent mal la folle, ils jouent mal l’intello, ils jouent mal le psy. Le trait est forcé, y a pas tous les arrière-plans d’un vrai personnage. C’est marrant parce que je me comprends quand je parle mais…

Laurent Ruquier (à Jean Leduc). Vous allez avoir du boulot Jean Leduc parce qu’il est sévère, hein ?

Jean Leduc. Oui, mais il est juste et puis voilà, comme il dit il faut être sincère. On peut être outrancier ou démesuré si on y croit et si on l’est vraiment.

Audrey Pulvar (à Pierre Palmade). Ce que vous n’aimez pas, c’est la gratuité, en fait ? La méchanceté gratuite.

Pierre Palmade. J’aime bien que ça me raconte quelque chose. Dès que le texte est un p’tit peu exagéré et que ça me sort de l’histoire, j’arrive pas. Parce que je trouve qu’ils se trompent les producteurs à dire : «C’est un spectacle comique, vous allez voir on va rire, on va rire, on va rire !». Je trouve que l’histoire doit être prenante c’est-à-dire on doit y croire. Et si on rit, tant mieux, c’est l’élégance de quelqu’un qui a quelque chose à dire. Son élégance, c’est d’être drôle mais faut qu’on soit dans une histoire et qu’on soit pris. Si dans une histoire tout d’un coup le mec surjoue, tout d’un coup on le voit faire une blague sur Strauss-Kahn alors qu’on n’en a rien à foutre et que ça n’a rien à voir dans l’histoire et que c’est juste pour se payer un rire de plus, ça me sort de l’histoire !

Laurent Ruquier. Je suis d’accord avec vous, si ça n’a rien avec l’histoire… Vous avez raison, ça, j’ai vu. Il y avait un comédien, paix à son âme, qui s’appelait Jean Lefèvre qui, effectivement faisait aussi des cartons sur scène et qui jouait des pièces qui n’avaient rien à voir avec l’actualité ou la politique et qui, entre deux répliques, sortait des … Alors , je suis d’accord avec vous. Si il y a une pièce qui a rapport à l’actualité, c’est normal qu’il y ait des allusions à l’actualité. S’il n’y en a pas, il est absolument anormal qu’on en rajoute ! En fait, ce que vous n’aimez pas, c’est qu’on en rajoute, c’est ça ?

Pierre Palmade. Voilà, j’ai dit très longtemps ce que vous avez dit très vite !

Laurent Ruquier. Vos comédiens, vos poulains continuent à jouer leurs sketches tous les lundis à la Gaîté Montparnasse?

Pierre Palmade. Voilà, ils jouent le lundi les meilleures scènes qu’ils ont écrites jusqu’au 18 juin et ça reprend à la rentrée au Théâtre de la Gaîté.

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