Laurent Spielvogel montre ses Bijoux de famille sur la scène de L’Archipel, un seul-en-scène très personnel voire intime, totalement passionnant et passionnel.
Laurent Spielvogel entre en scène tout de noir vêtu, juché sur des escarpins couleur argent, un rideau en voilage blanc sur les épaules en guise de châle. En fond sonore, Marlène Dietrich dont il calque à merveille l’allure et les mimiques. Cette amorce est un peu longue mais après tout, Spielvogel se fait plaisir. On ne saurait bouder cette audace-là : utiliser le temps pour ce qu’il est et non pas comme l’espace obligé de rires en rafales et d’effets calculés. Vous l’aurez compris, Laurent Spielvogel, dont Les bijoux de famille signe un retour au one-man après une quinzaine d’années (Spielvogel !, son précédent one-man-show avait été joué de 2000 à 2002 au Petit Palais des Glaces), se range définitivement du côté du seul-en-scène théâtral plutôt que du stand-up formaté . Une tentation à laquelle d’autres cèdent un peu facilement au point de renier l’envie première qui les a conduits sur scène.
Sa voix, ses voix, ses gestes, déplacements…tout est juste, précis dans cette galerie de portraits finement dessinés même si la mise en scène manque de modernité et gagnerait à être un peu dépoussiérée. Il y a de la joie, de la douleur aussi, mais surtout beaucoup de tendresse et de plaisir dans le récit de ce parcours de comédien. Et cette joie-là est communicative.
A travers les autres, Spielvogel ne parle que de lui.
Avec Marlène, sa langue allemande, son glamour, son apparente froideur…Le ton est donné pour cette représentation émouvante qui passe en revue les personnages qui ont forgé la personnalité du comédien et décidé de sa vocation. Un ton qui se veut aussi léger que ce voile tout en transparence révélant une enfance et une adolescence qui en manquaient singulièrement. Un ton tout en humour et humeur pour ce comédien au jeu fin et élégant. Il en faut de la finesse et de l’élégance pour faire resurgir du passé ce rabbin prosélyte, cette mère toute puissante, cette grand-mère qui ne l’est pas moins, ce père un peu rigide et toute cette famille d’artisans bijoutiers ashkénazes qui donne sa justification au titre du spectacle. C’est leur histoire que Spielvogel dépose et expose sur scène. Comme pour mieux s’en affranchir ?
Après Marlène, il y aura Barbara, Sylvie Vartan, De Gaulle, Giscard d’Estaing, une attachée de presse à la langue vipérine…Les jeunes générations ne saisiront pas toutes les références auxquelles Spielvogel emprunte un air, une posture, une parole… mais qu’importe puisqu’à travers ces évocations (parfois proches de l’hommage) c’est de lui et de lui seul qu’il parle avec tendresse, sincérité et parfois d’une manière un peu crue. C’est tout ce qu’on aime.
« Les bijoux de famille », de et par Laurent Spielvogel, mise en scène de Jérôme Sanchez ,jusqu’au 8 décembre à 20h30 au théâtre de L’Archipel, 17, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris. Réservations: 01 73 54 79 79.