Claude Guéant connaît-il la Molvanie, le pays qui prouve que toutes les civilisations ne se valent pas ?

Pour affirmer que «toutes les civilisations ne se valent pas», Claude Guéant a probablement vécu en  Molvanie . Trop longtemps et malgré lui, forcément !

Car on ne séjourne pas de plein gré dans ce pays dont les habitants sont de proches cousins de Borat et dont la fréquentation prolongée altère considérablement le jugement. Harcèlement des soldes et du froid, rébellion d’un animal domestique mal nourri, ras-le-bol de la Dujardinomania, persécution d’un gardien psychopathe dont on a oublié les étrennes ? Il faut avoir de sérieuses raisons pour quitter l’Hexagone et fouler ce territoire qui s’enorgueillit d’être à la fois le 1er producteur mondial de blettes et le berceau de la coqueluche.

Pour y entrer, un carnet de vaccinations est plus utile qu’un passeport valide !

Pour gagner la Molvanie d’ailleurs, un passeport valide ne suffit pas, il faut s’armer d’un carnet de vaccinations à jour consignant notre immunité contre choléra, typhoïde, diphtérie, hépatite A, B et C (et sans doute, bientôt  en exclusivité toutes les lettres de l’alphabet !), polio, tuberculose, méningite, malaria, tétanos, fièvre dengue et encéphalite à tiques. Et, insistent les guides les mieux informés, se faire «vacciner contre la maladie du charbon pour ceux qui ont l’intention de visiter l’intérieur du pays».

Attardez-vous sur la mine de ce ressortissant molvane (ci-dessous) dont le sourire n’exprime pas tant la joie de vous accueillir que le désir de ne jamais vous laisser repartir -les taxes de sortie du pays sont tellement élevées qu’elles vous font regretter d’y être entré- et vous aurez une idée de la mentalité locale. Comment, vous ne connaissez pas les mœurs des autochtones ?

Le molvane way of life ? Un modèle de non-civilisation.

Le Molvane way of life correspond parfaitement à l’image qu’on peut se faire de l’in-civilisation, de la décadence…allez, disons-le, de la barbarie. Les exemples rapportés par tous ceux qui s’y sont risqués font froid dans le dos et feraient perdre sa bosse à un camélidé !  Si Lutenblag, capitale de la Molvanie, est « globalement une ville sûre, indique un guide, mieux vaut néanmoins éviter les festivités du premier de l’an. Elles sont en effet organisées par les militaires, qui y voient plutôt l’occasion de tester le matériel. Cette pratique culmina avec les célébrations de l’an 2000, lorsque fut dévoilée la première roquette longue distance, laquelle détruisit un village entier de la Roumanie voisine. »

Déjà en 60 après JC, Tacite observait chez ce peuple des traits qui, au fil des siècles, n’ont fait que se préciser voire se figer : «ils sont courtauds, basanés, peu enclins au travail ou à la réflexion. Il faudrait parcourir des lieues pour trouver dans l’Empire tribu plus oisive, plus turbulente et plus inculte parmi celles vivant de la chasse et de la cueillette». On notera également que pendant la Seconde Guerre Mondiale, «Sous l’occupation, la police militaire secrète se montra si brutale que même les officiers SS d’occupation la redoutaient». Aujourd’hui, la Molvanie est «Membre à titre conditionnel de l’OTAN, nous at-on précisé, et bien notée par le FMI, mais doit encore officiellement condamner l’envoi des sorcières au bûcher» . Oui, la cruauté est comme un second langage pour ce pays qui a d’ailleurs souvent, longtemps, énormémment été dirigé par de drôles de démocrates. Tel Szlonko Busjbus (1891-1948), surnommé Bu-Bu et considéré comme le «Père de la Molvanie moderne». Désirant marquer l’histoire de son pays, Bu-Bu donna son nom à des routes, des ponts, des statues, des rivières et même à une maladie contagieuse. Entres autres grandes réformes, il a amputé l’alphabet de 33 lettres, réintroduit la roue, défendu «une charte garantissant à tout citoyen le droit à la rancune» et fait passer le nombre d’heures maximum de travail le week-end de 18 à 16h. Peut-être est-il également à l’origine du concours annuel du Jeune Despote dont le vainqueur reçoit un prix des mains du 1er Ministre. Un honneur de courte durée puisque très souvent l’un des finalistes zigouille son rival peu de temps après les résultats. Le survivant célèbre alors sa victoire devant une assiette de jgormzca (viande cuite au lard), de nzemji (viande cuite au molard) ou devant un plat de cochon sauvage tué à la main puis grillé à la broche (mais pas nécessairement dans cet ordre)” spécialité réputée des alpes molvanes.

Vive la Molvanie !

Malgré tout cela, j’ai envie de crier “Vive la Molvanie !” car grâce à ce petit état tous les peuples qui se sont sentis visés par la sortie du Ministre de l’Intérieur seront soulagés d’apprendre que la barbarie a un pays, un nom et même une adresse autres que les leurs. Que ça les soulage n’en efface pas moins l’idée inquiétante qu’il y aurait des civilisations  plus valables que d’autres…

Quant à vous, si vous avez lu ce post jusqu’ici, c’est soit que votre curiosité intellectuelle vous y a poussé et que vous êtes prêt à manifester votre indignation contre son auteur; soit que cela vous a excité de mettre un nom de pays sur l’infamie. Que celui qui n’y pas pensé me jette la première bière et le lot d’éructations qui va avec.

La Molvanie n’existe pas plus que la Syldavie et la Bordurie chères à Tintin. C’est une utopie née de la loufoquerie de Santo Cilauro, Tom Gleisner et Rob Sitch, auteurs australiens spécialistes du pastiche de guides de voyages. La Molvanie, le pays que s’il n’existait pas, faudrait l’inventer paru en 2003 chez Flammarion s’est vendu à 500 000 exemplaires dans le monde dont 30 000 en France lors de sa publication en 2006. Le trio, dont l’humour n’est pas sans rappeler les pages de feu Infos du Monde, dans sa version française du début des années, a pousssé le vice jusqu’à écrire un hymne national à ce pays et un hit pour concourir à l’Eurovision.

Beaucoup ont adoré  lire cette parodie de Lonely Planet et du Guide du Routard à la sauce Groland, qui exploite habilement les clichés, fantasmes et autres préjugés dont nous lestons nos valises chaque fois que nous voyageons hors de nos frontières. Beaucoup ont adoré, excepté Le Monde qui a boudé son plaisir. Dans un article du 9 février 2007 intitulé La Molvanie, destination virtuelle à succès, le quotidien reprochait aux auteurs une certaine facilité et trop de caricature.

«On rit, certes, mais on s’agace aussi, commentait alors le journaliste du Monde. Tous les poncifs sur les pays de l’ex-bloc soviétique se retrouvent en Molvanie, de la dangerosité des centrales nucléaires à l’emploi de charrettes tirées par des chevaux, de l’alcoolisme atavique à l’omniprésence de la moustache. Les femmes sont incitées à ne pas voyager seules, sous peine de subir “les agressions, vols à main armée et autres harcèlements sexuels typiques des pays de l’Est”. Caricatural.».

On est toujours le Molvane de quelqu’un.

Une réserve qui n’a pas empêché les auteurs de récidiver en décrivant d’autres contrées toutes aussi virtuelles (et inquiétantes !) que  le Bongoswana en Afrique, le San Sombrero d’Amérique Latine, “pays des cocktails, des carnavals et des putschs”; et le Aloha Takki Tikki du Pacifique Sud.  Une caricature, sans doute, mais qui par son humour potache condamne cette façon de diviser le monde entre «les civilisations qui défendent l’humanité et celles qui la nient» selon l’expression de Claude Guéant. Nul doute pourtant que pour les auteurs politiquement incorrects de ce faux travel guide, il y a d’un côté des hommes qui tentent de comprendre sans railler, déplorer, maudire ni juger, et de l’autre, des êtres qui condamnent le reste de l’humanité dès lors qu’elle ne pense ni n’agit comme eux. Une division des plus dangereuses qui devrait pourtant nous rappeler qu’on est toujours le Molvane de quelqu’un ! Alors, à qui le tour?

FQR (femme qui rit)

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