“Camille redouble”, le film qui donne vraiment envie de (re)vivre sa vie.

Avec Camille redouble, sa sixième réalisation, la comédienne Noémie Lvovsky signe un film plein de charme, d’humour et comme toujours d’intelligence qui mériterait de devenir un grand succès populaire.

SYNOPSIS : Camille a seize ans lorsqu’elle rencontre Eric. Ils s’aiment passionnément et Camille donne naissance à une fille…Vingt-cinq ans plus tard, Eric quitte Camille pour une femme plus jeune. Le soir du 31 décembre, Camille se trouve soudain renvoyée dans son passé. Elle a de nouveau 16 ans. Elle retrouve ses parents, ses amies, son adolescence… et Eric. Va-t-elle fuir et tenter de changer leur vie à tous deux ? Va-t-elle l’aimer à nouveau alors qu’elle connaît la fin de leur histoire ?

UNE COMÉDIE VRAIMENT RÉUSSIE.

Je suis toujours très enthousiaste à l’idée de voir un film avec Noémie Lvovsky. Alors quand il s’agit d’un film de et avec la comédienne mon intérêt est décuplé. J’avais adoré son travail de réalisatrice pour La vie ne me fait pas peur (Prix Jean Vigo 1999) et Les sentiments (Prix Louis Deluc 2003); et celui de comédienne dans Les Adieux à la reine, L’Apollonide, Les Beaux Gosses, Ma femme est une actrice… Mercredi matin, je me suis précipitée au GaumontParnasse pour assister à 9h30, à la première projection de la journée. Mon enthousiasme n’a pas été douché et c’est pleine de joie que j’ai quitté la salle comme les autres spectateurs venus ouvrir leur matinée sur quelque chose d’heureux.

India Hair, Judith Chemla, Noémie Lvovsky et Julia Faure.

Co-scénariste de La Sentinelle d’Arnaud Desplechin et des deux films de Valéria Bruni-Tedeschi (Il est plus difficile pour un chameau, Actrices), scénariste de Le Cœur fantôme de Philippe Garrel, Noémie Lvovsky  qui aime écrire en équipe, a réuni trois auteurs pour co-écrire Camille redouble : Maud Ameline, Pierre-Olivier Mattei et Florence Seyvos, déjà co-scénariste de La vie ne me fait pas peur. Huit mains et quatre têtes, sans doute la combinaison idéale pour éviter les écueils sur un sujet a priori casse-gueule. On imagine les discussions animées sur la façon de faire entrer et jouer une comédienne (la réalisatrice n’ayant pas initialement prévu de jouer le rôle) dans le corps d’une ado tout en gardant son cœur et son expérience d’adulte, sans tomber dans la facilité -quelle gestuelle, quelles mimiques, quels regards adopter sans être caricaturale ? Egalement la réflexion sur la difficulté de réaliser un film qui s’affranchirait de l’original. Je craignais -au nom de ce fameux complexe français qui veut que tout soit souvent mieux outre Atlantique- que cette variation autour de Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola (1987), n’en soit qu’une piètre et pâle copie. Je redoutais le ridicule des scènes où Camille la quadra évoluerait dans la panoplie vestimentaire eighties de Camille ado (cf Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan dans Freaky Friday, Dans la peau de ma mère). Je redoutais encore la multiplication des effets propres à la comédie et qui auraient emmené Camille … du côté de la farce (Hibernatus, Les Visiteurs, Case Départ).

 

Dans sa chambre d’ado, Camille retrouve même son chat.

 

Noémie Lvovsky contourne tout cela et signe une comédie tendre, sensible, fraîche et mélancolique. Chez elle, pas besoin d’effets spéciaux, ses acteurs le sont déjà suffisamment. Son propos est plus philosophique (se retrouver dans le passé avec toute notre conscience nous aiderait-il forcément à redéfinir notre avenir ?) et romantique que comique même si, autour de cette réflexion, la réalisatrice  installe de grands et savoureux moments de comédie pure. Le coup de foudre entre Noémie et Samir Guesmi, les échanges avec ses parents, le baiser entre Podalydès et Lvovsky, le cours de Mathieu Amalric, la scène d’amour entre Noémie et Anthony Sonigo…J’ai adoré cette comédie émouvante qui respire la générosité, l’intelligence et dans laquelle chaque acteur a SON moment à lui dont il peut-être fier et dont le spectateur se souviendra, sans qu’on assiste pour autant à une suite de numéros. J’ai adoré cette méditation sur le temps perdu et l’apaisement auquel elle conduit une fois le temps retrouvé.

Ré-entendre Katrina & The Waves chanter “Walking on sunshine”, un régal !

UNE COMÉDIENNE EXCEPTIONNELLE.

Dans une scène de Camille redouble, Noémie-Camille enregistre la voix de sa mère pour fixer à jamais ce qui lui a manqué le plus dans sa vie d’adulte. Moi, j’ai pensé à celle de la comédienne : douce sans jamais être sucrée, si douce qu’elle en est mélodieuse, une voix à l’intonation particulière, une voix pleine d’émotion qui ne fait jamais dans l’émotion. Qu’elle rie ou qu’elle crie, c’est toujours un enchantement. Et je ne parle pas de son regard et de son sourire…Noémie Lvovsky est une comédienne surdouée dont chacun des rôles donne à penser qu’il est le leading role tellement il est inspiré. Les César ne s’y sont pas trompés, qui, environ tous les deux ans, saluent son travail. Noémie Lvovsky a été nommée pour le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Ma femme est une actrice (2002), Backstage (2006), Actrices (2008), Les Beaux Gosses (2010) et L’Apollonide (2012).

 

Avec Jean-Pierre Léaud, horloger du temps qui passe, casse et lasse ?

UN CASTING HAUT DE GAMME.

Noémie Lvovsky, qui a été directrice de casting sur La vie des morts et La Sentinelle de Desplechin, s’est entourée des meilleurs pour incarner ces rôles qu’on qualifie un peu rapidement de seconds. Une particularité française que j’ai du mal à expliquer aux Américains qui eux parlent de «Supporting role». Je me souviens encore de l’étonnement de ma filleule Olivia me demandant comment un film pouvait avoir plusieurs seconds rôles alors que «dans une compétition et sur un podium, le second est toujours seul ou parfois ils sont deux, mais jamais plus !».

Vincent Lacoste et Samir Guesmi.

Dans Camille redouble, tous les «seconds» rôle sont nourris, éclairés, aimés et bien sûr interprétés d’une façon si dense qu’on ne peut les considérer comme seconds. Logique de la part de celle dont chacune des interprétations transforme n’importe quel second rôle en rôle majeur : la tenancière de maison close dans L’Apollonide, la mère d’Hervé (Vincent Lacoste) dans Les beaux gosses, la soeur d’Yvan Attal dans Ma femme est une acrice,…. Noémie Lvovsky est une actrice majeure qui imprime les seconds rôles qu’on lui confie au point d’en faire des rôles de premier plan, des rôles premiers.

 

Entre Michel Vuillermoz et Yolande Moreau, ses parents dans le film.

C’est l’excellence qu’elle a convoquée à son casting dans lequel on retrouve pas mal de comédiens de la Comédie Française : Denis Podalydès et Michel Vuillermoz, et l’ancienne pensionnaire Judith Chemla. Noémie Lvovsky a également convié Riad Sattouf, Samir Guesmi et Yolande Moreau, Jean-Pierre Léaud qui m’a fait penser à un petit Antonin Artaud, tout aussi habité et perché que le vrai. Anne Alvaro apparaît le temps d’une micro-scène face à Chemla et c’est  toujours bon à prendre. Mathieu Almaric s’amuse dans son rôle de prof frustré et pervers. Du côté de la jeune génération : Vincent Lacoste et Anthony Sonigo, ses partenaires de dans Les Beaux gosses confirment l’un et l’autre leur intelligence de jeu. India Hair (impossible d’oublier un nom qui sonne comme celui d’une compagnie d’aviation : Indian Air ou Air India?), Julia Faure signent également de belles compositions et multiplient les raisons d’aller voir ce très beau film.

Avec Denis Podalydès.

Camille redouble, film de Noémie Lvovsky. Scénario: Noémie Lvovsky, Maud Ameline, Pierre Olivier Mattei et Florence Seyvos. Avec: Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Judith Chemla, India Hair, Julia Faure, Yolande Moreau, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Jean-Pierre Léaud, Vincent Lacoste, Micha Lescot, Anthony Sonigo.

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