Yeti Woman, la femme qui rit de Robert Crumb

Parmi les femmes qui rient de la semaine, j’aurais pu choisir Sophie Marceau radieuse sur l’affiche dUn bonheur n’arrive jamais seulje lui ai préféré Yeti Woman, personnage hors norme et décalé de Robert Crumb dont l’expo au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris ne cesse de m’enchanter.

Photo courtesy Paul Morris and David Zimmer, New York, © Robert Crumb

Yeti Woman est une de ces femmes puissantes et rares qui peuplent l’œuvre de Robert Crumb. Entre Harriet Hotpants la nympho et Devil Girl, la démoniaque, Angelfood McSpade (inspirée de Joséphine Baker), Yeti Woman incarne l’absolue fascination de Crumb et son infinie peur des femmes qui confine à l’obsession. Crumb le pervers, le flipé, le lâche qui attaque par derrière…Crumb qui, agitant ses propres démons, accouche d’une femme monstrueusement charismatique et drôle. Crumb le provocateur qui d’un éclat de rire balaie tout : codes, conventions, préjugés et tabous…sans jamais sacrifier  à l’humour. Jetez un œil à “My troubles with women 2” où le petit homme à la silhouette woodyallenesque saute sur une femme de dix fois sa taille, telle une puce qui se collerait au cuir d’un éléphant et prétendrait le vider de son sang, et vous comprendrez l’hostilité qu’il cultive à leur égard. Les monologues qu’il livre en même temps que ses fantasmes valent également d’être lus et relus. C’est drôle parfois désespérément drôle et toujours sans concession.

J’aime le sexe un peu brutal avec des femmes fortes  s’exclame-t-il , à cheval sur sa proie qui s’en amuse plus qu’elle ne s’en étonne, qui en rit même et toujours sans l’humilier. Yeti est une femme puissante mais pas de celles de Marie N’Diaye ni de la lignée des robotiques et très viriles sœurs Williams dont elle emprunte, avant l’heure et malgré elle, la plastique. La pilosité en moins ?

Un nœud rose au sommet de la tête pour le côté girly, des tétons en boutons de sonnette que bien des hommes aimeraient presser en priant la maîtresse de maison de ne pas ouvrir la porte trop vite, une féminité aussitôt pondérée par cette taille gigantesque, cette démarche volontaire qui frappe et happe le macadam et cette musculature d’athlète -qui n’aurait pas consommé que des protéines répertoriées dans la nature- recouverte d’une pilosité amazonienne,…Yeti Woman pourrait être affreuse et effrayante si elle n’était pas si rieuse et riante. Elle est resplendissante, rayonnante…En témoignent les regards des automobilistes étonnés mais pas dégoûtés au point de provoquer embouteillage et accidents dans la rue. On en rit d’autant plus qu’on devine qu’elle incarne aussi une espèce de double fantasmé et inavoué de son auteur.

Fesses alertes, bouche ouverte, toutes dents offertes, Yeti Woman croque le monde avec la ferme intention de ne pas se laisser manger à son tour. Son sourire dit à la fois sa joie de vivre et la menace d’une femme capable de vous dévorer d’un seul coup de mâchoire. Sans regret  et sans salir sa robe moulante blanche et immaculée.

J’adore la Yeti Woman de Robert Crumb qui incarne pile poil (je ne pouvais pas l’éviter celle-là !)ce que je ne cesse de dire et croire : une femme qui rit est toujours jolie. Forcément, intensément, absolument.

INFOS PRATIQUES : Yeti Woman fait partie des 700 dessins réalisés par Crumb entre 1960 et aujourd’hui, exposés jusqu’au 19 août au Musée d’Art Moderne de La Ville de Paris dans le cadre de Crumb, de l’Underground à la Genèse, première rétrospective consacrée à cet acteur majeur de la contre-culture US. L’occasion d’aller à la rencontre de Fritz The Cat, Mr Natural,Whiteman, Flakey Foont, Harriet Hot Pants… de découvrir les carnets de croquis consultables sur tablettes numériques, pochettes de disques et revues qu’a illustrés cet insatiable créateur. Et surtout de lire sa version de la Genèse présentée ici dans son intégralité, qui a demandé près de quatre ans de travail à Crumb. Toute l’œuvre d’un artiste exceptionnel dont la créativité est indissociable de sa passion pour les musiques des années 20-30 qui ont construit sa culture, l’ont inspiré et en même temps généré chez lui, une espèce de nostalgie.

Musée d’Art moderne de la Ville de Paris : 11, avenue du Président Wilson, Paris 16ème. Tél : 01 53 67 40 00. Métros : Alma-Marceau et Iéna. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22h.

 

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