Rire avec Elles, L’humour au féminin(5/1): Amandine Gay et de bon humour.

Jour 5, dernier de la compétition qui oppose 15 humoristes femmes pour la plupart inconnues du grand public. Si j’avais été jurée j’aurais voté lundi pour Emile Deletrez, mardi pour La Bajon, mercredi pour Nadia Roz et Orély Sardet, jeudi pour Emilie Chertier inattendue et pour le coup très décalée. Cette fille est ailleurs, et on en reparlera d’ailleurs.Vendredi 23 mars, Amandine Gay, fraîche mais déjà très mature, Sony Chan, poupée de Chine, poupée de charme, délicatement perfide, et Béatrice Facquer, tendre et mordante ont clôturé la série de spectacles entamée lundi 19 mars. Elles ont donné le meilleur d’elles-mêmes mais les jeux sont quasiment faits. Je ne vois pas comment on pourrait faire mieux que les cinq artistes évoquées plus haut qui ont vraiment proposé des choses fortes et souvent inédites.

Amandine Gay 21 ans

Amandine Gay porte bien son nom. Et si on s’est beaucoup moqué d’elle à l’adolescence, elle peut être fière aujourd’hui d’hériter d’un patronyme qui colle à la mission qu’elle s’est choisie : procurer de la joie et faire rire. Imaginez le démarrage de carrière dans l’humour d’une fille qui s’appellerait Amandine Lourd, Amandine Triste ou Amandine Terne ! Déjà, elle rendrait paresseux les journalistes chargés de trouver un titre original pour parler d’elle. Et les journaleux n’aiment pas trop qu’on leur rappelle leur paresse surtout s’ils n’ont pas aimé un show. Avec Amandine Gay, d’emblée, on est attiré par des titres plus ambitieux comme…le Gay savoir, par exemple ?

J’avais hâte de voir Amandine Gay sur scène parce que je l’avais rencontrée à L’Omnibus et trouvée intelligente, mûre, sensée, bosseuse, étonnante du haut de ses 21 ans.

Quand on sait qu’il faut pas moins de dix ans pour arriver à s’imposer et conquérir le public, on se dit qu’Amandine est l’élève douée qui sautera quelques classes et fera mentir ce constat.

Ce qu’elle donne à voir et entendre sur scène est joyeux, léger. Jamais mignon, ce qui aurait pu être un écueil lié à son jeune âge. C’est joyeux et surtout très prometteur. Son spectacle a à peine 1 an et elle est la benjamine de la sélection de Rire avec Elles.

Ça nous laisse bouche Gay !

Longue liane d’1m77 environ, à l’allure charlottegainsbourgienne, habillée d’un noir aussi sombre que ses cheveux couleur corbeau, les lèvres fardées de rouge (le n°500 de Gemey Maybelline teinte Diva Red pour les connaisseuses et les fétichistes), elle prend possession de la scène comme si elle y était née. Elle a de l’énergie, une fougue et une foi qui me rappellent celles d’Anne Roumanoff. Comme Amandine, Anne Roumanoff a eu une vocation très précoce et foulait déjà les planches des cafés-théâtres au même âge. De ces filles qui n’ont peur de rien et y vont sans craindre de dégringoler. Rien de commun cependant entre cette jeune femme venue de Châlon-sur-Saône et la dame en rouge si ce n’est d’avoir eu la prudence de continuer leurs études parallèlement. Sciences-Po pour Roumanoff (alors camarade de classe de Jean-François Copé, Arnaud Montebourg, Frédéric Beigbeder et David Pujadas), études théâtrales à La Sorbonne pour Amandine. Toutes les humoristes que j’ai rencontrées récemment (Vanessa Kayo, Elodie Decker, Léa Lando, Valentine Revel, Elisabeth Buffet…) ont choisi d’abord de faire des études pour se rassurer et calmer leurs parents, puis du théâtre. Elle a décidé de tout vivre en même temps et de mener une double vie: le jour, sur les bancs de la fac, le soir, sur scène.

Contrairement à beaucoup d’humoristes de sa génération, Amandine Gay n’a pas inscrit à son répertoire le décodage des relations entre les filles et les garçons, et ne collectionne pas les histoires de fringues ou de nightclubbing. Ouf ! Elle tire le spectateur vers d’autres champs de réflexion.

Les nouvelles technologies, par exemple. Elle remarque que le portable est «le prolongement de notre main» et que le tactile nous «rend fous au point de nous faire taper sur des choses pas faites pour ça». Amandine utilise de belles images (la photo d’un épi de blé lui évoque « le prélude à l’après-midi d’un Kellog’s») et de jolies expressions («Je fais partie de la confrérie des patronymes à problèmes…la honte est le sponsor de l’adolescence »), s’inquiète de sa génération qui sait télécharger des films pas encore tournés mais désespère d’écrire une lettre, de la glisser dans une enveloppe de la poster et d’attendre qu’elle arrive à destination. Si elle taquine sa génération, Amandine Gay ne zemmourise pas pour autant.(Zemmouriser verbe transitif direct du premier groupe, qui vient de tomber sur mon clavier, signifiant cultiver la nostalgie du c’était mieux avant comme le fait souvent le journaliste Eric Zemmour). Amandine est bien dans son époque et s’en amuse. Alors on la suit avec enthousiasme dans une fête foraine et dans les transports avec sa carte Imagine R. Son sketch sur le Bac, le piratage des sujets, «la chorégraphie de l’enveloppe», le jour de la remise des diplômes… laisse penser qu’elle devait être une élève tellement en avance qu’elle a eu le temps d’observer ses petits camarades et ses profs en vue de les inclure dans un futur spectacle. Les remerciements du jeune bachelier à l’adresse de son Bic, son manuel d’histoire et…Wikipedia sont finement amenés. J’ai adoré le passage sur les élections du chef de classe ou du chef d’Etat et ses gesticulations pour se glisser dans l’isoloir d’un « gymnase qui sent la chaussette » et tient lieu de salle de vote. Décrire son parcours de Chalon à Paris comme celui «du trou du Q du monde au monde des trous du Q !» lui donne même l’occasion de redéfinir l’esprit punk.

Le p’tit bémol après tant d’éloges ? J’ai trouvé qu’Amandine disait plus son texte qu’elle ne le jouait. Elle le dit parfaitement bien au demeurant mais tant d’aisance demande à être davantage inCORPorée, incarnée. Elle est formidable quand elle pénètre dans l’isoloir ! Elle joue vraiment. Elle l’est moins en ouverture des 30 minutes qu’elle a proposées en restant debout face à la scène sans réelle domination de celle-ci. Ce sont des détails vite rectifiables. Et quand on sait qu’Amandine Gay a été détectée par Gérard Sibelle, le truffier qui, quelques années plus tôt, repéra Laurent Gerra, Florence Foresti et Elisabeth Buffet, on n’est pas très inquiet quant à la mise en place de son travail.

Amandine Gay sera au Festival Rire en Seine en avril, tout comme Nadia Roz et Béatrice Facquer; et le 5 juin au Festival Rire avec Elles à Cannes.

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