Jérémy Ferrari, ce soir à L’Olympia : “Je suis terrorisé à l’idée que ça s’arrête !”- Part 1

Jérémy Ferrari ce soir à L’Olympiaest passé en deux ans à peine du statut d’inconnu repéré chez Ruquier à celui de vedette de l’humour dont on s’arrache les places, parfois à prix d’or. Il fait ce soir son premier L’Olympia , à 20h.

Sale gosse au cœur tendre ?

Jérémy Ferrari vient d’avoir 28 ans et fait donc son premier Olympia. Pour le grand public, qui ne le connaît pas tout à fait, c’est sans doute prématuré. Pour ce jeune Ardennais qui arpente la scène depuis l’âge de 16 ans, c’est une étape presque logique dans un parcours qu’il a lui-même dessiné et décidé alors qu’il s’ennuyait au collège. Si nous découvrons depuis quelques mois son travail, HALLELUJAH BORDEL est, en réalité, son quatrième spectacle. Ferrari sait ce qu’il veut et ou il va. Il le dit clairement : “Pour l’instant je suis un petit parmi les grands, même si je suis déjà un grand parmi les petits. J’espère devenir un grand parmi les grands”.

On trouverait cela banal s’il n’avait cette plume redoutable et efficace qui a donné les meilleurs sketches de la première saison d’On ne demande qu’à en rire et, plus récemment, du ONDAR SHOW. Comme il a du talent (ils ne sont pas si nombreux sur le terrain de l’humour noir), mille projets (dont un livre et un film), une grande gueule  -plus aboyante au demeurant que mordante-, et qu’il plaît aux filles, Jérémy Ferrari agace. Le comédien le sait parfaitement, qui ne joue pas la fausse modestie. Quitte parfois à passer pour une tête à claques. Oui, oui, pour certains passages de l’entretien qui suit et que je publierai en plusieurs parties, Jérémy Ferrari aurait mérité qu’on lui tire les oreilles. A bonne distance, tout de même, depuis qu’on sait qu’il est ceinture noire de judo, qu’il pratique à un haut niveau le ju-jitsu, qu’il a enseigné les arts martiaux et qu’il a, entre autres petits boulots, exercé celui d’agent de sécurité dans des parkings et à l’entrée de boîtes de nuit.

J’avais beaucoup aimé ses sketches chez Ruquier et trouvé intelligent, original le rendez-vous Handi cap/Handi pas cap du Ondar Show. Handi Cap… est un sketch autour d’une épreuve improbable que Jérémy Ferrari interprétait avec un handicapé (Philippe Croizon, Sophie Vouzelaud, Bruno de Stabenrath,  André Bouchet alias Passe-Partout et Grégory Cuilleron, lauréat 2008 d’Un dîner presque parfait, sur M6…) riant de lui-même et nous renvoyant, par là même, à notre façon de regarder le handicap et d’en rire librement et sans mauvaise conscience. C’était brillant et c’est grâce à cette séquence que j’ai vu, comme beaucoup de téléspectateurs, pour la première fois Guillaume Bats dont Jérémy Ferrari est devenu l’auteur et metteur en scène.

Je suis donc allée voir HAllelujah Bordel, le one-man-show que Jérémy Ferrari promène dans toutes les régions, qu’il jouera ce soir à L’Olympia et mènera l’an prochain dans tous les Zénith de l’Hexagone. Et là, surprise !

Le samedi 2 mars dernier en arrivant à La Cigale située au 120 boulevard Rochechouart à Paris, j’ai été sidérée d’avoir à remonter jusqu’au n°58 pour  me placer dans la file d’attente. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de groupes de touristes qui se seraient mêlés par inadvertance à la file. Précisons aux non Parisiens, que cette artère de Pigalle est, de jour comme de nuit, toujours très encombrée. A mesure que j’avançais sur le boulevard et que  je demandais : “Vous allez voir qui ?”. Tous répondaient quasi d’une seule voix : “Ferrari, Jérémy Ferrari”. Un public des plus bigarrés : des femmes, des hommes, des jeunes de 25 ans, de 30, des moins jeunes de 40 et 50, des plus jeunes du tout de 70, des Noirs, des Asiatiques, des Blancs, des bobos, des babas, des cadres sups, des garçons bien sages (la raie des cheveux impeccablement tracée, le pull rose en cachemire sagement posé sur des épaules revêtues de chemises couleur ciel), d’autres qui se donnaient l’air de l’être moins (grosses bagouzes, baggies, sweat à capuche et baskets oversize), des filles en slim et Repetto, des bimbos, des post-soixante-huitards…Il y avait de tout !  C’est l’une des autres raisons qui m’ont fait solliciter un entretien avec Jérémy Ferrari. 

“MON ENTOURAGE ME TROUVE PLUS HUMBLE ET PLUS SYMPATHIQUE DEPUIS QUE ÇA MARCHE”

En attendant Jérémy  Ferrari un après-midi ensoleillé de mars chez son attachée de presse je me suis dit que j’adorais, finalement, que les artistes arrivent un peu retard. Ferrari, en l’occurrence, ne l’était pas faute d’organisation mais parce qu’une production télé l’avait retenu plus longtemps que prévu en banlieue. Le retard des artistes a du bon. Ça vous permet de les voir venir – à tous les sens du terme !-, d’observer leur démarche, leurs hésitations, peut-être leurs failles… En tous cas, de jauger leur allure et leur tempérament et surtout, surtout de leur demander tout ce que vous voulez. Car, souvent pétrie de culpabilité, la plupart d’entre eux se sent obligée de tout vous donner. Du moins, beaucoup. Parce qu’il aime écrire et raconter des histoires, j’ai demandé à Jérémy Ferrari de me raconter la sienne. Sans détour, il a parlé de tout : de son succès, de ses racines, de ses angoisses et ses complexes de ses lectures et de ses rêves, du prix des places de son show lors du réveillon à Lyon, d’argent, de nanas, d’humour…de tout. Et d’HAllelujah Bordel, évidemment !

LEBLOGFEMMEQUIRIT.  Vous étiez inconnu il y a un an; aujourd’hui sans avoir une très grande notorité, vous déplacez un public de plus en plus nombreux. J’ai dû remonter jusqu’au 58 du boulevard pour faire la queue. Comment vit-on si jeune un tel succès ?

JÉRÉMY FERRARI (Rires).  Je le vis bien et pas bien. C’est le passif qui détermine la façon dont on le vit. J’ai dû beaucoup me battre. Ça a mis beaucoup de temps avant de démarrer. Alors,oui, je suis très jeune mais je suis arrivé à Paris à 16 ans pour faire de la scène. J’étais seul, sans famille, sans rien. Je viens d’un milieu très modeste. J’ai dû me débrouiller pour vivre. J’ai été agent de sécurité dans des parkings, des boîtes, groom avec le costume comme dans Spirou, j’ai  vendu des chemises, j’ai bossé chez Orange…J’ai fait beaucoup de petits boulots parce que je n’avais pas de diplômes. Il m’est arrivé de manger des compotes de pommes, éclairé à la bougie !

LEBLOGFEMMEQUIRIT. C’est le lot de pas mal de comédiens et en même temps, quand  vous le racontez, on a l’impression que vous écrivez déjà votre légende.

JÉRÉMY FERRARI. Pas du tout ! J’ai pas mal mangé, comme on dit, avant que ça n’commence. Je viens d’un milieu modeste et c’est pour ça aussi que je fais de l’humour noir. Je suis un gars du peuple auquel ses parents ont appris la valeur des choses. Je suis un vrai gars des gens, donc du coup, ce succès dont vous parlez, je l’ai vécu sereinement pour ce qui est de  signer des autographes et même de gagner de l’argent. Je revenais de loin ! Je suis parti de 800 € mensuels et je gagne très bien ma vie aujourd’hui. Tout ce côté-là , je crois que je l’ai bien vécu. Mon entourage me trouve même plus humble (rires) et plus sympathique depuis que ça marche. Sans doute parce que j’ai moins à prouver et que j’ai moins à me convaincre moi-même, je crois que je laisse plus la place aux autres.

“JE CULPABILISE DE GAGNER EN UNE SOIRÉE PLUS QUE CE QUE  MON PÈRE GAGNAIT EN UN MOIS”.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous dites “de ce côté-là, je l’ai bien vécu”; il y a donc eu d’autres aspects plus difficiles à assumer ?

JÉRÉMY FERRARI. Là où je ne le vis pas bien c’est que je suis absolument terrorisé à l’idée que ça s’arrête ! C’est une chose très problématique dont je parle souvent. Je ne profite pas des moments. Quand je fais une très grande salle comme la Cité des Congrès de Nantes, le Forum de Liège ou L’Olympia… la première chose que je me dis en sortant de scène c’est : “Peut-être que je ne le revivrai plus jamais”. Ça me rend un peu boulimique de travail parce que je crains tellement que ça s’arrête que je m’investis dans plein de choses différentes.

LEBLOGFEMMEQUIRIT.Ce n’est pas si grave…

JÉRÉMY FERRARI. Oui mais du coup mon entourage et les gens que j’aime ont un peu de peine pour moi. Ils disent : “Tu ne profites pas des trucs!”. J’ai l’impression que je profite uniquement sur scène. Même quand je prends du plaisir avec les gens, la scène reste la chose essentielle. Je pourrais me passer de tout mais absolument pas de la scène !  C’est l’endroit où je m’amuse le mieux. Ce côté-là, je ne le vis pas trop bien. Et puis, pour être tout à fait honnête, je culpabilise aussi de gagner en une soirée ce que mon père gagnait en un mois.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Laurent Ruquier, qui vous a mis dans la lumière avec On ne demande qu’à en rire, ne vous  donne-t-il pas des conseils sur ce chapitre ? Ruquier a souvent dit qu’étant le fils d’un chaudronnier, père de famille de cinq enfants dont la femme ne travaillait pas, il éprouvait ce même sentiment de gêne .

JÉRÉMY FERRARI. J’en ai effectivement parlé à Laurent. Il m’a dit de ne pas culpabiliser, qu’il fallait savoir donner, rendre, être généreux. Laurent m’a dit que je n’avais pas à culpabiliser car cet argent je le gagnais ne donnant du plaisir et en distrayant les gens. Il m’a répété que ça n’était pas malhonnête, que c’était un métier où tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain.  C’est un coup de poker. C’est aussi un peu une roulette russe, ce métier. Laurent m’a dit qu’il fallait essayer de le vivre bien même si en venant d’un milieu comme le nôtre on ne peut pas tout à fait le vivre bien (rires).

‘LE SOUVENIR QUE J’AI DE L’ÉCOLE, C’EST UNE LUTTE PERPÉTUELLE CONTRE LE SOMMEIL”.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous quittez Charleville-Mézières pour Paris à 16 ans. Qu’est-ce qui vous pousse à partir de chez vous si jeune ? Ce sont vos parents qui vous mettent dehors ou l’envie d’aller voir ailleurs?

JÉRÉMY FERRARI. C’est la deuxième solution. Ma mère est italienne; voir son fils unique qui part vivre tout seul (rires)…elle m’a plutôt tenu la jambe jusqu’au train. Je n’étais pas poussé à quitter la maison mais…(Ndlr : silence), il fallait vraiment que je parte. J’étais pas bien du tout. Je ne me sentais pas bien du tout à l’école.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous étiez en situation d’échec scolaire ?

JÉRÉMY FERRARI. Mais j’avais abandonné ! J’étais très bon en primaire parce que ça m’amusait. Arrivé au collège, ç’a commencé à ne plus aller. Je ne sais pas pourquoi. Je n’arrivais plus à travailler en cours, je m’ennuyais et je m’endormais. Le souvenir que j’ai de l’école, c’est une lutte perpétuelle contre le sommeil. Je m’endormais tout le temps(Ndlr :il  le répète 4 fois).

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous faisiez de la narcolespsie ou c’était juste pour embêter les profs ?

JÉRÉMY FERRARI. C’est à se demander ! Aujourd’hui encore, c’est terrible ! Si je parle avec quelqu’un et que la conversation ne m’intéresse pas, je m’endors. Je peux être dans un bar avec quelqu’un et m’endormir. Je vous jure, c’est pas des conneries ! (Rires)

LEBLOGFEMMEQUIRIT.  Ça ne doit pas être pratique pour séduire. J’imagine la fille qui se trouve au resto en face de vous et qui vous voit décliner.

JÉRÉMY FERRARI. Ah c’est sûr, ça va pas le faire ! Mais je ne plaisante pas. D’ailleurs quand j’ai travaillé chez Orange, j’ai dû suivre une formation de trois semaines. On nous expliquait comment vendre des forfaits SMS. Dès la quatrième minute, le mec de la formation a vu qu’il m’avait perdu. Je me suis mis au fond et je me suis endormi debout. La conseillère a tenté de me remotiver et je lui ai dit : “Quand ça ne m’intéresse pas, je m’endors. Votre truc, je vais l’apprendre parce qu’il faut que je le sache“.  Dans son effort de me remobiliser, elle m’a placé au premier rang et là, je suis retombé dans le sommeil. Donc à l’école, je m’endormais et puis, je n’étais pas d’accord.

“J’AI DÉCIDÉ D’APPRENDRE PAR MOI-MÊME. JE ME TROMPERAIS PEUT-ÊTRE, MAIS JE NE ME FERAIS PAS BERNER !”

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous étiez déjà drôle, vous ! On ne va pas à l’école pour être d’accord mais pour apprendre, non ?

 JÉRÉMY FERRARI. Le français, ça m’intéressait mais ç’a été le déclic pour moi et je me suis dit qu’il fallait que j’arrête l’école. En cours, on nous avait demandé de rédiger une dissertation sur la peine de mort : “Pour ou contre la peine de mort ?”. Pour nous aider, le prof nous avait remis deux textes l’un en sa faveur l’autre contre. Le texte pour la peine de mort mettait en lumière les propos d’un mec qui ne savait pas aligner trois mots et dont les arguments étaient, de tout évidence, bidon. Pas besoin de sortir de l’ENA pour comprendre que le type était un crétin! Le texte contre était signé Victor Hugo, farouchement opposé à la peine de mort et incroyable défenseur de la liberté. Le Victor Hugo surprenant l’assemblée dans l’hémicycle lorsqu’il dit : “Comment pouvez-vous défendre cette chose alors que vous vous agenouillez devant quelqu’un qui l’a subie?”.  Donc, je suis face à mes deux textes. Evidemment que je suis contre la peine de mort mais ce n’est pas le problème ! J’ai écrit au marqueur sur ma copie : “Je suis contre la peine de mort” et j’ai réclamé 20/20.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Je vous repose la même question que pour le sommeil : c’est de la provocation ou vous êtes “ailleurs”?

JÉRÉMY FERRARI. Je dis au  prof :Je réclame 20/20 car ce que vous me demandez c’est d’aller dans le sens que vous voulez et non de développer notre propre réflexion. Demandez-nous d’expliquer pourquoi on est pour ou contre la peine de mort mais ne nous faites pas croire que vous nous laissez la possibilité de réfléchir, ce n’est pas vrai ! ” C’était au début de ma Seconde, je suis resté deux mois et puis j’ai arrêté. Il y a eu ce cours de français qui m’a fait définitivement rejeté le système scolaire et puis les cours d’Histoire. Quand on lit un peu on s’aperçoit qu’elle est enseignée différemment selon le pays où on la raconte. Ça les arrange ! Quand je lis aujourd’hui que Napoléon est l’une des personnalités préférées des Français, ça m’fait bien rigoler. Un conquérant ?  Tu parles ! Surtout un tyran, un malade, un misogyne et un raciste !

“SI ON N’A RIEN AVEC LE BAC, AUTANT QUE J’ARRÊTE MAINTENANT !”

LEBLOGFEMMEQUIRIT.  C’est plus la pédagogie qui vous fait renoncer que les contenus eux-mêmes…

JÉRÉMY FERRARI. Oui et quand j’ai commencé à comprendre tout ça j’ai décidé d’apprendre par moi-même. Je me tromperais peut-être mais au moins je ne me ferais pas berner.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. L’école est obligatoire jusqu’à 16 ans comment l’avez-vous quittée ?

JÉRÉMY FERRARI. Mon prof principal m’a ouvert la porte. Mes parents voulaient que j’aie le Bac et ils avaient fait une sorte de pacte avec moi : “Tu vas jusqu’au Bac, après, tu fais ce que tu veux!”.  On rencontre ce prof qui dit : “Jérémy, je ne sais pas ce que tu as comme projet mais déjà que tu galères, arriver jusqu’au Bac, ça me paraît…De toutes façons, avec le Bac, on ne fait rien!”. Je regarde ma mère et je dis: “Avec le Bac on ne fait rien ? Comme on avait prévu que j’aille jusqu’au Bac, si on ne fait rien avec le Bac autant que j’arrête maintenant !”. Je me rappelle que ma mère n’était pas contente et qu’elle a dit au prof : “Bravo !”.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous aviez déjà ce sens de la répartie ?

JÉRÉMY FERRARI. J’avais le sens d’emmerder le monde ! (Rires)

“QUAND MON PÈRE A SU QUE JE VOULAIS DEVENIR COMÉDIEN, IL M’A REGARDÉ DE TRAVERS”

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous évoquiez un milieu modeste. Que faisaient vos parents ?

JÉRÉMY FERRARI. A la base, mon père était plombier et ma mère magasinière dans un commerce. Ils viennent tous les deux de milieux différents. Mon père est vraiment un mec de quartiers. Il a commencé à bosser à 13 ans, il faisait les vide-greniers…une vie un peu à la dure. Ma grand-mère maternelle possédait plusieurs commerces d’alimentation dont un dans un quartier populaire où vivait mon père. C’est dans l’un d’eux que mes parents se sont rencontrés. Ma mère y était employée et mon père est devenu magasinier. Comme c’était un quartier chaud, ils ont vu d’un bon œil que ce soit un mec du coin qui y bosse, ça évitait les histoires, les rackets…C’était un p’tit commerce de proximité avec une caissière et mon oncle qui faisait le boucher.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. L’ambition de vos parents était-elle de vous voir reprendre leur commerce ?

JÉRÉMY FERRARI. Non, il n’y avait aucune obligation. J’ai eu beaucoup de chance, mes parents sont très ouverts d’esprit. Ils sont jeunes, ils ont 47 ans. Bon, quand mon père a su que je voulais devenir comédien, il m’a regardé de travers parce que c’est très éloigné de son univers à lui. Je parle de mon père car ma mère était plus ouverte. Mon grand-père maternel était journaliste et critique de spectacles; ma mère avait donc une plus large ouverture d’esprit sur le monde artistique. Mon père est quelqu’un qui a conscience de ne pas avoir conscience. Il a l’intelligence des gens qui disent : “Je ne comprends pas cet univers. Je ne comprendrai peut-être jamais. Ce que je comprends c’est que quand je te vois sur scène , je sens que tu fais quelque chose que d’autres ne peuvent pas faire. Donc, vas-y !”

“J’AVAIS 16 ANS, MON PROF DE THÉÂTRE A DIT À MES PARENTS: “VOUS POUVEZ LE LAISSER PARTIR”.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Comment vous êtes-vous lancé ?

JÉRÉMY FERRARI.A 13-14 ans, j’étais inscrit à l’atelier théâtre du collège et j’étais plutôt bon. Je me rappelle que  déjà en 6ème, j’arrivais à apprendre une pièce de deux heures dont tous les rôles étaient relayés par un nouvel élève au bout de 25 minutes. J’étais le seul  capable d’apprendre mes scènes et l’intégralité de la pièce. Je n’avais pas de problème de mémoire mais des problèmes d’apprentissage et d’autorité. J’ai ensuite pris des cours particuliers avec Bruno Nion, alors directeur du Théâtre de Charleville, qui venait du Théâtre National de Strasbourg. Un jour Bruno Nion a dit à mes parents : “Vous pouvez le laisser partir”.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Il les a convaincus aussi facilement que vous aviez une place à prendre dans ce métier ?

JÉRÉMY FERRARI.  Bruno Nion m’a d’abord proposé de monter mon propre spectacle et m’a programmé dans une salle de 700 places au Théâtre de Charleville. Il y a eu comme un phénomène en tout cas un intérêt certain pour ce gamin de 16 ans qui jouait seul sur scène un spectacle appelé “De sketch en sketch“. J’avais une heure à moi pour jouer trois sketches originaux et  trente minutes où je reprenais Le Digicode de Marc Jolivet,  Le Scrabble de Palmade, Le Lâcher de Salopes de Bigard et je faisais en rappel, L’Addition de Muriel Robin.

“J’ÉCRIS TOUT LE TEMPS, JE ME RENOUVELLE BEAUCOUP”

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Les premiers sketches que vous avez écrits font-ils partie de HAllelujah Bordel?

JÉRÉMY FERRARI. Non, ils étaient trop faibles. Quand on grandit, on devient meilleur. Il y en avait un sur les voisins que j’avais gardé pour mon deuxième spectacle (Ndlr : “Moi, méchant ?) mais c’est le seul. J’écris tout le temps et je me renouvelle beaucoup. Quand on écrit un bon truc et qu’on veut le garder absolument c’est qu’on pense qu’on ne peut pas écrire autre chose de bien. Je pense qu’un sketch télé doit rester à la télé. C’est une très grosse erreur de vouloir le déplacer de la télévision à la scène. Il n’y a pas la même éléctricité, la magie, c’est pas pareil. Il ne faut pas tout mélanger.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Vous tentez à 16 ans le difficile exercice du one-man-show. D’où venait cette ambition d’être seul sur scène et peut-être la “prétention” d’avoir quelque chose à dire ?

JÉRÉMY FERRARI. En fait, c’est parce que je m’ennuie dans la vie. Le quotidien m’ennuie énormément et me déprime tout autant. Je ne me lève pas le matin en imaginant que la vie est belle. Je ne suis pas rempli de joie. Comme le quotidien me rend triste il faut que je fasse tout le temps des choses. Pour avoir analysé  le truc tout seul ou avec une psy, je crois que j’ai besoin d’avoir l’impression de ne pas vivre de la réalité. J’ai besoin d’avoir l’impression de survoler un peu. C’est pour ça que ce métier me faisait un peu rêver. Quand je fais une émission le matin, que l’après-midi je fais un sketch et que le soir, on m’emmène jouer, j’ai pas vécu une journée normale et ça me va très bien. Déjà à 16 ans, je m’ennuyais beaucoup et j’avais besoin de sensations. Ça me fait peur parce que je ne sais pas ce qui se passerait si ça s’arrêtait. Si demain on me prive de ça, franchement, je vais vachement…vachement…Bref.

LEBLOGFEMMEQUIRIT. Pourquoi trembler maintenant alors que ça démarre très bien et que vous savez pertinemment qu’il faut 10, 15 parfois 20 ans pour qu’un artiste s’accomplisse?

JÉRÉMY FERRARI. Moi, déjà, j’aime bien maîtriser les trucs et ça, je ne le maîtrise pas. Dans On ne demande qu’à en rire, j’ai joué des sketches dans lesquels je raconte des trucs absolument odieux et tout d’un coup, il y a eu une espèce d’engouement. Je vois que j’ai 2000 puis 3000 puis 10 000 puis 100 000 fans sur facebook. Et ma prod m’appelle pour me dire “Là, on est plein” et tout d’un coup, il y a du monde partout même quand je vais jouer au fin fond  de la Bretagne. On est complet dans des salles de 800 places dans un truc improbable. Comme je ne comprends pas fondamentalement pourquoi les gens viennent, je me pose des questions. Je comprends qu’on puisse aimer mon humour mais j’arrive pas totalement à comprendre cet intérêt soudain. C’est ce qu’on espère vraiment quand on est sur scène et quand ça arrive on est surpris, presque inquiet. Franchement, je ne m’attendais pas à cette multitude.

DÉCOUVREZ DIMANCHE LA SUITE DE L’ENTRETIEN DE JÉRÉMY FERRARI, ce soir à L’Olympia : 28, boulevard des Capucines, 75009 Paris.
Tél : 08 92 68 33 68.

 

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