Jean-Yves Rupert, l’humoriste martiniquais qui ensoleille la Métropole.

Jean-Yves Rupert, humoriste et comédien très populaire aux Antilles joue au Temple un spectacle chaleureux, drôle qui déplace les foules, les fait rire sans les abrutir. Il faut absolument aller le voir !

Il y a peu d’hommes sur leblogfemmequirit, mais je l’ai promis, je parle de ceux dont le travail me plaît, m’émeut, m’interpèle. Et si ces hommes parlent des femmes, ça m’intéresse doublement. Jean-Yves Rupert, comédien et humoriste de 37 ans est de ceux-là, et il le fait drôlement bien au double sens du terme. J’ai donc envie d’évoquer cet artiste dont, à mon grand regret, seule la presse caribéenne (France Antilles en tête) évoque le passage à Paris. C’est dommage car ce qu’il donne sur scène est vraiment drôle, chaleureux et parle à tout le monde même si tout le monde ne parle pas créole. Oui, son show est  joué à 75% en créole et foi de femme qui rit, ça ne devrait rebuter personne, bien au contraire.Moi qui ne  viens pas de la Caraïbe et ne connais du créole que quelques refrains des tubes de Kassav’ j’ai compris le show, j’ai ri et l’ai vivement applaudi. Bon, c’est vrai je  suis  venue accompagnée d’un ami martiniquais en soutien, au cas où. Un ami qui n’a pas apprécié que je lui dise : “Le seul comique que je connaisse aux Antilles, c’est Francky Vincent”.

Sa présence, son jeu et son intelligence communiquent l’essentiel : la générosité.

J’ai tout compris, disais-je. Ce qui atteste la très grande qualité de comédien de Jean-Yves Rupert, grand bonhomme rond et imposant, qui fait passer les choses au-delà du langage. Quand sur scène un comédien parvient à vous faire rire hors le vocabulaire et les simples mimiques (souvent dévolues au simple clown de cirque), c’est que par sa présence, son jeu, son intelligence il sait communiquer l’essentiel : la générosité.

Je n’avais jamais entendu parler de Jean-Yves Rupert jusqu’à ce jour de mai où, sortant de La Revue Kamikaze au Trévise, Kader Aoun, producteur de spectacles (Mathieu Madenian, Zazon et Jean-Yves Rupert)  m’a dit : “Vous n’connaissez pas Jean-Yves Rupert ? Mais vous êtes d’où ?” . J’ai eu l’impression qu’il me demandait si j’avais passé les dix dernières années en Sibérie. Sa question n’avait pourtant rien de méprisant et, heureusement, Kader  a ajouté : “C’est un humoriste très aimé aux Antilles, tout le monde le connaît. Depuis plus de vingt-cinq ans, c’est LA référence !”. J’ai aussitôt appelé des amis antillais, tous m’ont conseillé d’aller voir celui qui embrase la scène caribéenne à chacun de ses spectacles. J’ai appris dans la foulée qu’il avait un show à la télé intitulé Bankoulélé, qu’il avait commencé la scène à l’âge de  10 ans, et même rempli le Zénith de Paris en février 2010…Voilà pour l’essentiel.

Les femmes de Rupert parviennent toujours à leurs fins.

Devant Le Temple, mercredi soir à 21h15, la file était longue et la salle s’est très vite remplie. Beaucoup de couples, de copains venus en groupes et quelques enfants accompagnant leurs parents ou le contraire. Un public uniformément noir et métis venu saluer la star des caraïbes. Jean-Yves Rupert ne s’est pas économisé pendant les 90 mn du show dans lequel il a convié les personnages qui ont installé sa popularité : le policier “gradé tout partout” surnommé “Sergent Arrache-poil sec”, Papouche, dont on trouve de nombreuses videos  sur le Net, et plein d’autres…Si le show dure une heure et demie, il s’articule autour de cinq sketches principaux et autant de changements de costumes que l’artiste effectue sur scène derrière un paravent. Rupert prend le temps d’installer chaque personnage, d’étirer les situations jusqu’à l’extrême. Une mise en scène qu’apprécient de toute évidence ses fans qui connaissent certaines répliques par cœur et se font un devoir de les citer à l’unisson avec l’humoriste.

J’ai beaucoup aimé le portrait du bon copain, tendre comme un nounours, gentil, attentif, un être “spongieux et absorbant” annonce Rupert, sensible à tous les maux et malheurs des autres. Trop et tellement que la femme de son meilleur pote ou celle d’un frère veut se l’accaparer. Il a beau résister, les femmes parviennent toujours à leurs fins et son personnage se réveille un matin la bague au doigt sans avoir vraiment convolé. Si les femmes de Rupert sont toutes fortes c’est aussi parce qu’elles ont à faire à des hommes faibles. Et savent comment à force de petits plats mijotés endormir leur vigilance , les laissent épaissir (alors qu’elles se contentent de feuilles de laitue et de carottes bouillies) avant de prendre la poudre d’escampette. Vous comprendrez pourquoi son personnage, qui les compare à des pitbulls, préconise de “les déclarer à la préfecture, de les stériliser et de leur mettre une muselière”.

Un show à 75% en créole compréhensible à 100% .

Je craignais au départ d’assister à un spectacle un peu “Radio Londres” version antillaise :  un show dont seuls les Antillais saisiraient les références. Rupert évite cet écueil et peint des portraits qu’on trouve ici à Paris, aux Antilles à Londres, New York… partout. Ainsi de cet agrégé de lettres qui, par crainte des représailles, inscrit de bonnes notes sur le bulletin des racailles qui assistent à ses cours. L’exercice de grammaire que Rupert leur soumet vaut son pesant de Bescherelle. On plaint ce prof qui déclare : “Il y a un élève qui est là depuis que j’ai commencé à enseigner. Il ne change pas de classe mais de place”, avant de chercher à fuir sous la menace d’un autre cancre qui le “tempe” (pose une arme contre sa tempe). Tout le monde fond pour Papouche qui, face aux questions de son enfant, trouve les subterfuges les plus malicieux pour éviter de donner des réponses que, de toute évidence, il ignore.
Colorée, joyeuse, riche en métaphores décalées et poétiques (le passage où Rupert demande à ses jambes de partir et que celles-ci envoient un SMS à ses bras…est un pur délice), la langue de Rupert est vivante en ce qu’elle se nourrit de chaque rencontre dont elle fait un événement. Il la tord sans la torturer, il la réinvente un peu à la manière d’un Jamel Debbouze dont le vocabulaire sur scène est un spectacle à lui tout seul.

Colorée, joyeuse et riche, la langue de Jean-Yves Rupert est vivante et fait de chaque rencontre un événement.

S’il parle beaucoup des Ultramarins vivant dans les Dom-Tom, Jean-Yves Rupert n’oublie pas les Négropolitains (ceux installés en métropole) et les chatouille en imitant leur accent et leur attitude lorsqu’ils reviennent dans les Caraïbes. Un sketch que l’on pourrait faire devant un Corse, Basque, Alsacien qui, grisé par la vie Parisienne, revient dans sa région d’origine l’air hautain et l’accent pointu. On en revient toujours à la langue de Rupert déliée, généreuse, inventive, surprenante. Une langue dont on saisit toute la virtuosité au moment où Rupert clot le show sur un air de zouk dont les paroles sont scandées comme dans un rap. Exercice Ô combien difficile qui souligne la parfaite diction de ce comédien que j’espère voir dans des fictions afin que le plus grand nombre puisse apprécier son talent.

Je ne parle pas créole mais je sais, disais-je, retenir les bons refrains et celui-ci m’a suffisamment plu pour que le fasse circuler. A la fin de son show, Jean-Yves Rupert chante “méte twel an lé pwel” à l’adresse de toutes les femmes qui montrent un peu trop leur peau et leurs poils et auxquelles il conseille de se couvrir d’une serviette. C’est dit en riant et en chantant mais ça dit quelque chose de  notre époque, que l’on soit de Pointe-à-Pitre, de Fort-de-France, de Paris, New York ou d’ailleurs.

 Jean-Yves Rupert  du mercredi au samedi à 21h30 au Théâtre Le Temple : 18 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris. Tél : 08 92 35 00 15

 

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