Fabrice Eboué : “J’en ai marre de cette dictature du comique, un métier galvaudé par la vacuité de certains propos qui se veulent drôles”.

Fabrice Eboué, actuellement sur scène à La Comédie Caumartin, a joué au Dictateur pour le magazine Stylist. Dans son programme : l’interdiction des  émissions de télé qui font appel à des comiques…

 

Fabrice Eboué interviewé dans Stylist n°018 du 19 septembre 2013.

Chaque fois que j’ai  Stylist  (l’hebdo féminin gratuit distribué devant les bouches de métro) entre les mains, je le lis par la fin -une habitude  prise depuis que je dévore les portraits de la brillante et très convoitée dernière page de Libé. J’aime beaucoup la rubrique Le Dictateur, interview dans laquelle une personnalité  décrit le programme  despotique qu’elle imposerait à la société si elle était investie du pouvoir absolu. Comédiens, journalistes, artistes,…tous se plient volontiers au questionnaire d’Antoine Leclerc-Mougne* qui nous libère des ITV habituelles formatées et prévisibles. On a pu ainsi lire les propos de la journaliste de mode Mademoiselle Agnès, du documentariste de mode Loïc Prigent, de Gunther Love, performer et leader des Airnadettes, de Caroline Roux, journaliste politique, des comédiennes Mélanie Bernier et Géraldine Nakache, entre autres. Si tous s’en sortent bien, la palme revient aux humoristes dont l’imagination et la répartie ont toujours un temps d’avance sur les nôtres.

“Si ça continue comme ça, le 20 Heures aura droit à son humoriste”.

En tête, Fabrice Eboué qui livre des réponses aussi drôles et originales que sensées avec, il en a fait un style, une façon d’injecter dans chaque réponse  un commentaire sur la société. Histoire de dire qu’il n’y a pas d’humour gratuit et que derrière chaque “vanne” il y a une intention et peut-être une conviction à défendre. C’est ce que j’aime chez cet artiste que je range, même si c’est encore un peu prématuré, dans la famille d’un Timsit qui est définitivement mon humoriste préféré.

S’il était aux commandes de notre pays, le dictateur Fabrice Eboué porterait la moustache  parce que “tout bon dictateur en porte une”.  Et l’humoriste s’y connaît en dictateur. Son deuxième film Le crocodile du Bostwanga, co-réalisé par Lionel Steketee et dont la sortie est prévue en février 2014, met en scène le tyrannique Bobo Babimbi (Thomas N’Gijol), un dictateur africain mêlé à un deal typique du foot business…On devine que l’histoire passée et récente de certains pays d’Afrique, mais pas seulement, a largement nourri le scénario de Fabrice Eboué et Blanche Gardin.

“Le port du pull en laine noué sur les épaules sera passible de châtiments corporels”.

Notre dictateur Eboué condamnerait  le port du pull en laine noué sur les épaules, ferait de Pointe-à-Pitre la capitale de la France, obligerait les enfants de 7 ans à lire l’intégrale de Roland Barthes et laisserait la Grèce s’enliser…mais son projet le plus radical concerne sa corporation avec laquelle il se montre assez sévère. Fabrice Eboué suggère en effet d’interdire “toutes les émissions de télé qui font appel à des comiques. Il y a en a trop, partout. Quand j’ai commencé ce métier, on devait être une vingtaine à se battre en duel. Aujourd’hui, il y a cette recrudescence, sûrement due à la crise du disque. Si ça continue comme ça, bientôt le 20 Heures aura droit à son humoriste qui balancera une punchline sur les enfants gazés en Syrie. J’en ai marre de cette dictature du comique, un métier qui a été ma passion mais qui est aujourd’hui galvaudé par la vacuité de certains propos qui se veulent drôles”.

Je rangeais, quelques lignes plus haut, Fabrice Eboué dans la famille de Patrick Timsit. Une nuance cependant, Timsit ne s’occupe pas de commenter ce qui est drôle ou pas drôle. Il travaille à l’être  sur scène et dans les émissions de télé qui en ont fait ce qu’on appelle “un bon client”, et c’est déjà beaucoup. Eboué me semble un peu jeune pour être déjà nostalgique et s’autoriser à dresser un inventaire. Palmade, qui confiait il y a quelques mois à Laurent Ruquier que “tous les humoristes comiques ne jouent pas et n’écrivent pas très subtilement”, est à mon sens plus légitime dans ce rôle, à la fois parce qu’il est plus âgé et que sa notoriété est installée depuis plus de vingt ans, déjà.

Si Fabrice Eboué commence à dire que certains de ses confrères ne sont pas drôles, il y aura fatalement un moment où on lui demandera de citer des noms. Et là, ça ne sera plus drôle du tout ! Elie Semoun en sait quelque chose, qui regrettait récemment sur le plateau du Grand Journal de s’en être pris à une époque à Bigard ou Anne Roumanoff. On n’est jamais moins drôle que lorsque qu’on décide que les autres ne le sont pas. Vous me direz que c’est un peu ce que je fais sans ces pages, certes, mais moi je n’ai pas fait vœu de faire rire !

Fabrice Eboué dans Fabrice Eboué, levez-vous !  Théâtre de La Comédie Caumartin : 25, rue Caumartin, 75009 Paris. Tél : 01 47 42 43 41

*J’adore cette page même si je sursaute en constatant qu’elle affiche depuis sa création de nombreuses fautes d’orthographe. Quand on utilise un conditionnel  (“A quoi ressembleraient nos vies si on lui confiait le pays ?”) on ne reporte pas au futur les réponses de l’interviewé (J’interdirai, je censurerai…).

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